Douze musulmans parlent de Jésus

(dir.) Fawzia Zouari
Religions - Recenseur : Markus Kneer
Après la série télévisée « Jésus et l'Islam » de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur qui donne une analyse minutieuse des versets coraniques sur la crucifixion et leurs différentes interprétations, ce livre donne maintenant la parole aux écrivains.
Comme Fawzia Zouari le mentionne dans sa contribution, les musulmans ont des choses à dire sur leur prophète Jésus. Et ici commence déjà le dialogue : Il y a, au moins entre musulmans et chrétiens, une manière très différente de voir les prophètes. Pour les chrétiens, il appartient au prophète d'être persécuté - parfois jusqu'à la mort. Pour les musulmans, cette dernière conséquence du témoignage semble impensable. Et l'ambition, même avec une pointe ironique, d'offrir une solution à la querelle judéo-chrétienne sur le sort de Jésus (p. 9) montre, au moins de la part des chrétiens, une méconnaissance de la centralité sotériologique de la croix et de la mort du Christ.
L'ouvrage offre une grande diversité d'approches de Jésus qui s'exprime aussi sous des formes littéraires très différentes : d'un poème intitulé « Kyrie eleison » de Jamel Eddine Bencheikh à un essai scientifique de Ghaleb Bencheikh. Pourtant, la plupart des contributions se donnent sous forme de récits d'expériences personnelles. Comme presque tous les A. ont des racines dans le bassin méditerranéen, on devient témoin d'une interculturalité et d'une interreligiosité vivantes. En ce qui concerne Jésus, les A. expriment souvent leurs problèmes avec les dogmes christologiques, mais il existe en général une proximité avec la figure de Jésus à partir de la mystique musulmane, le soufisme.
Une petite remarque sur la crucifixion : la différence est claire, et, d'un point de vue historique, on peut identifier la position musulmane avec celle qui porte dans l'hérésiologie chrétienne le nom de « docétisme ». Mais on est très surpris de voir cette position liée au nestorianisme dans la contribution de Salah Stétié (p. 49). C'est faux : la conception docète de la crucifixion est certainement une dérivation du manichéisme. Laissant de côté ces problèmes doctrinaux, Hassouna Mosbahi lie le sort de Jésus avec celui des chrétiens arabes contemporains, tout en exprimant sa gratitude pour leurs travaux pour une réconciliation du monde arabe avec la modernité : « Depuis toujours, les chrétiens furent le sel de la terre arabe et son limon » (p. 122). Avec cette citation, le livre échappe au piège dualiste qui veut toujours séparer l'Orient et l'Occident, l'islam et le christianisme.
Reste à constater que beaucoup de contributions affirment le rôle de Marie dans le Coran qui peut même servir pour une lecture féministe du Livre saint. Contre toute habitude arabe de l'époque, la dénomination de Jésus dans le Coran brise la ligne patrilinéaire : ʿIsâ ibn Maryam (Jésus fils de Marie). Ce beau livre donne beaucoup à penser sur les relations islamo-chrétiennes, et il ne cache pas les problèmes. Ghaleb Bencheikh rappelle en effet avec justesse que le nom de Jésus pour les chrétiens arabes est autre que pour les musulmans : Yasûʿ (dérivé de Yeshua, p. 79). - M. Kneer

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