Le modernisme fut un phénomène majeur du catholicisme du xxe s. : la critique mise en oeuvre par des chercheurs, en particulier en exégèse et en histoire, mais pas seulement, fut soupçonnée par le magistère de l'Église de ruiner les fondamentaux de la foi. Rome procéda à une condamnation assez brutale, par le décret Lamentabili et l'encyclique Pascendi, en 1907 ; s'ensuivirent une surveillance et une répression tout aussi rudes de savants et d'intellectuels dont les écrits ne correspondaient pas en tout point aux canons romains.
Ce fut avant tout une crise intellectuelle. Est-elle aussi bien connue des historiens que ne l'énonce la 4e p. de couverture ? Cela n'est peut-être pas aussi assuré. Certains fonds d'archives ne sont ouverts que depuis peu ; par ailleurs, on connaît plus les condamnés que les condamnants que l'on commence à pouvoir étudier de plus près. Une étude approfondie du cas Loisy, par G. Losito et C. Arnold, montre notamment que le dominicain Esser fut moins agressif à l'égard du Français qu'on ne le pensait jusqu'à présent, et qu'il s'attacha entre autres à ce que les droits de la défense soient respectés au mieux.
Mais le modernisme ne se réduisit pas à une question d'ordre purement intellectuel. Ceux qui s'engagèrent dans la voie de la critique moderne avaient aussi leurs préoccupations plus « spirituelles ». Les auteurs du présent recueil ont dès lors tenté d'approcher la manière dont plusieurs protagonistes (Loisy, Bremond, Tyrrell, von Hügel, Houtin, Blondel), soit seuls, soit en rapport avec la pensée d'autres savants, envisageaient leur travail critique en relation avec la foi. D'autres contributeurs ont privilégié une approche que je qualifierais de plus globale, permettant de mieux saisir ces aspects spirituels. Ce qui me paraît ressortir principalement de ces études, c'est que tous ces personnages inscrivaient leur démarche rationnelle dans une réflexion plus large sur la foi chrétienne et ne se limitaient pas à la critique ou à la construction de systèmes. Ils étaient, si on peut s'exprimer ainsi, des « croyants » (ce qui ne veut pas dire des « crédules » ou des naïfs, et n'exclut pas que d'aucuns aient abandonné la foi), désireux de comprendre les ressorts du religieux inscrit en chaque homme. Un Bremond fut sans doute un cas typique : son Histoire littéraire du sentiment religieux en France n'était pas qu'oeuvre d'érudition, mais cette histoire était un bon moyen de montrer que le religieux - chrétien en l'occurrence - pouvait prendre bien des chemins différents sans pour autant être « hérétique » et qu'il pouvait rejoindre le divin. Qu'il me soit permis de citer, pour mieux faire comprendre mon propos, quelques phrases du bollandiste Delehaye (qui fut lui aussi pris dans les rets romains) dans une lettre de 1906 adressée à son Provincial à propos de Tyrrell au moment où celui-ci était dans les pires difficultés : « Ne vous semble-t-il pas (…) qu'il y a quelque mérite à essayer de parler des choses religieuses (je souligne) avec des formules appropriées à l'intelligence contemporaine, sur laquelle, visiblement, la vieille théologie n'a plus de prise ? N'aurait-on pas dû savoir gré au p. Tyrrell de l'avoir essayé, et de l'avoir fait souvent avec un succès incontestable, alors que tant d'autres chez nous, permettez-moi l'expression, rabâchent de vieilles choses que personne ne prend plus au sérieux ? »
Un regret. N'aurait-il pas été intéressant d'étudier de près les positions en la matière d'un Lagrange ou d'un Duchesne ? N'étaient-ils pas intéressés par cette approche plus « spirituelle », même si, dans le cas du second, court la légende qu'il ne s'intéressa que de (très) loin aux enjeux de la crise moderniste ?
Un « régal ». Ce terme n'appartient pas exactement au genre recension. J'en use pourtant car les auteurs nous font connaître, avec grande finesse, des personnalités qui ne manquaient pas de qualité ! - B. Joassart s.j.

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