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Le Dieu caché du livre de Ruth. Un chemin de lecture, un chemin pour la foi

Sonnet J.-P. sj et Majà Guiu M.
With the story of Joseph and the Book of Esther, the Book of Ruth is distinguished by a singular narrative choice : the character of God is to be found as withdrawn into the wings away from the action. He is the one whom men evoke or invoke ; he does not intervene - as an initiating subject - in the story told by the narrator. This is a study which examines the ways and means of this narrative technique, in its particular way of speaking to the faith of the readers, before asking about the turning point represented by Rt 4,13, a first testimony of a direct intervention of God.

Le récit du livre de Ruth partage, avec l’histoire de Joseph en Gn 37–50 et le livre d’Esther, une caractéristique qui les met à part dans le corpus narratif de la Bible : le personnage de Dieu, le « premier » personnage biblique (par ordre d’apparition comme par ordre de causalité), s’y trouve comme retiré dans les coulisses de l’action. Dans le livre de Ruth, Dieu est — à une exception près (qui se lit en 4,13, et dont il sera question plus loin) — le grand absent parmi les « actants » du récit. Il est celui dont parlent les hommes, ou encore celui qui se trouve réfléchi dans leur perception ; il n’intervient pas — en tant que sujet d’initiative — dans l’histoire racontée par le narrateur. Pourquoi la Bible, qui n’hésite pas à faire de Dieu un personnage sur la scène du récit (ainsi en Gn 3,8 : « Ils entendirent la voix de Yhwh Dieu qui se promenait dans le jardin au souffle du jour »), ou à raconter son intervention dans le cours des choses (ainsi en Gn 19,24 : « Yhwh fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu »), choisit-elle ailleurs de “voiler” son action dans l’histoire en mettant à l’avantplan du récit les seules actions humaines ? Elle le fait sans doute pour reproduire l’expérience de Dieu qui est celle des lecteurs : le Dieu qui agit de manière décisive dans l’histoire des hommes est paradoxalement le Dieu qui se cache (cf. Is 45,15)1. Mais si la Bible adopte dans certains cas ce mode de narration, elle le fait avec une grande maîtrise, laissant percevoir qu’à travers les actions des figures mises à l’avant-plan — Joseph, Esther, Ruth, Booz et les autres — c’est le dessein du Dieu caché qui se réalise. En d’autres termes, la narration biblique opte alors pour ce que Y. Amit a appelé le principe de la « causalité duelle » : dans la causalité exercée par les hommes (et rendue explicite par le narrateur) s’effectue la causalité (implicite) de Dieu en tant que maître de l’histoire2. En passant en revue les références au personnage de Dieu dans le livre de Ruth, ces pages chercheront à montrer que cette modalité de la narration y est une stratégie délibérée, qui crée un chemin pour la foi du lecteur.

I « Noémi avait entendu que Yhwh avait visité son peuple » : les vertus du discours indirect

La première mention de Dieu dans le récit de Ruth est celle qui, on le verra, donne au « drame » de la lecture son orientation singulière. Elle se situe au début de l’action (en 1,6), à la suite des cinq versets qui font office d’« exposition » (1,1-5), révélant au lecteur « tout ce qu’il faut savoir avant que commence l’action ». Dans le cas du livre de Ruth, l’exposition met le lecteur au courant des infortunes qui accablent Élimèlek et sa famille, quittant la « maison du pain » (Bethléem) pour Moab en raison de la famine qui sévit sur la terre d’Israël, avant que Noémi, son épouse, voie mourir son mari et ses deux fils, eux-mêmes sans descendance. À l’absence de pain s’ajoute donc l’absence de descendance, et les deux manques constitueront le ressort de l’intrigue jusqu’à la fin du récit. Au terme de l’exposition ne restent plus sur scène que trois femmes, également veuves, Noémi et ses deux belles-filles moabites. La mise en route de l’action se fait dès le premier mot du v. 6 : « Et [Noémi] se leva, elle et ses belles-filles, et elle retourna des champs de Moab car elle avait entendu dans le champ de Moab que Yhwh avait visité son peuple pour lui donner du pain » (1,6). Remarquons-le : le narrateur a sciemment inversé la chronologie des choses (dans leur rapport temporel et causal) pour mettre à l’avant-plan l’initiative du personnage humain : « elle se leva ». On pourrait en effet soutenir que c’est plutôt l’intervention de Dieu, libérant son peuple de la famine, qui est au départ de l’action et provoque le retour de Noémi à Bethléem (1,19.22). Il n’en reste pas moins que le narrateur, conformément à ce qui sera son option générale (celle de la « causalité duelle »), a choisi de mettre à l’avant-plan la libre décision du personnage humain (« Et elle se leva... »), qui procède elle-même de sa perception : « car elle avait entendu que... ».

Dans cette dernière affirmation, la conjonction « que » (en hébreu, ki) signale que nous avons affaire à une forme de discours indirect — plus précisément de perception indirecte. Ainsi que l’a souligné M. Sternberg, le discours indirect est le lieu d’une ambiguïté fondamentale au sens où il peut être le réceptacle de voix et de points de vue distincts3. Noémi « avait entendu […] que Yhwh avait visité son peuple pour lui donner du pain » : de qui la proposition rapportée reproduit-elle la voix ? De qui reflète-t-elle le point de vue ? Telle qu’elle est formulée, la phrase peut faire écho à la transmission d’une nouvelle par des informateurs ; on pourrait alors la paraphraser comme suit : « Elle avait entendu — lui avaient-ils dit — que Dieu avait visité son peuple ». Voilà qui implique des informateurs qualifiés, partageant la foi d’Israël, car, dans son « phrasé », la proposition rapportée est hautement théologique : le nom révélé (Yhwh) est utilisé, Dieu est présenté dans son lien à « son peuple », et ce lien se trouve activé sous la forme d’une « visite » — le verbe « visiter » est, dans la Bible hébraïque, chargé de sens théologique4.

Mais la qualité théologique de la proposition peut également émaner du narrateur ; celui-ci mettrait alors à profit la proposition subordonnée pour parler à son lecteur et établir la vérité des choses : « Elle avait entendu — et il en était bien ainsi — que Yhwh avait visité son peuple ». Toutefois le verset peut également, et très simplement, reproduire le point de vue de Noémi : « Elle avait entendu — et c’est ainsi qu’elle comprenait les choses — que Dieu avait visité son peuple ». Dans un tel cas, les choses nous apparaissent réfractées dans la lecture croyante de Noémi, quels qu’aient été les indices recueillis (le retour des pluies, l’imminence de la moisson de l’orge) ou la nouvelle transmise. Cette dernière interprétation est préférable, car elle a pour elle de s’inscrire étroitement dans le dynamisme de la narration, qui met en relief Noémi en tant que sujet agissant (« Elle se leva ») et percevant (« Elle avait entendu que »)5. Dans cette lecture, l’action se déclenche à cause de l’intelligence croyante que Noémi a des événements6 : elle se met en route vers son peuple en tant qu’il est le peuple de Yhwh, visité providentiellement par son Dieu. Dans le récit ancien qu’est le livre de Ruth, le personnage de Dieu entre ainsi en scène de façon très « moderne » : en étant réfracté dans la conscience d’un personnage, dans une situation narrative qui sollicite par le fait même la conscience interprétante (et croyante) du lecteur.

II Celui dont on parle

Toutes les mentions de Dieu qui apparaissent dans la suite du récit (si, une fois encore, on fait exception de l’apparition du nom de Dieu en 4,13) prennent place dans le discours des personnages7. Dieu est celui dont on parle, que l’on évoque ou encore qu’on invoque. Les actes de langage dans lesquels apparaissent les noms divins (Yhwh, Shadday, Elohim) sont multiples ; on y reconnaît des bénédictions (2,4 ; 2,19-20 ; 3,10 ; 4,14-15), des serments (1,16-17 ; 3,13), des demandes, en forme de vœux ou de souhaits (1,8-9 ; 2,12 ; 4,11-12), mais aussi une salutation (2,4), une affirmation (4,12), ainsi que des accusations (1,13 ; 1,20-21). Un échantillonnage, donc, de ce qu’il en est de Dieu lorsqu’il vient au langage. Dans les paragraphes qui suivent, nous caractériserons la manière dont ces emplois du nom de Dieu s’inscrivent dans l’art narratif du livre de Ruth, en prêtant également attention à l’éthique de la parole qu’ils illustrent. Car, en contexte biblique, l’usage du nom de Dieu se trouve associé à un impératif fondateur : « Tu ne prononceras pas en vain le nom de Yhwh, ton Dieu, car Yhwh n’acquitte pas celui qui prononce son nom en vain » (Ex 20,7).

Il faut d’abord observer que les déclarations-clés des personnages, dans lesquelles se noue et rebondit l’action, engagent le nom divin. Le serment que Ruth la Moabite adresse à Noémi, sa belle-mère israélite, s’accompagne ainsi d’une formule imprécatoire… digne d’une fille d’Israël : « Où tu iras, j’irai ; là où tu passeras la nuit, je passerai la nuit ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu ; là où tu mourras, je mourrai, et c’est là que je serai ensevelie. Que Yhwh me fasse ceci et qu’il y ajoute cela, si ce n’est pas la mort qui me sépare de toi ! » (1,16-17)8. Booz fait lui aussi appel à Dieu comme garant de son serment lorsque, au cœur de la scène nocturne sur l’aire à vanner, il s’engage à racheter la jeune veuve : « alors moi je te rachèterai, aussi vrai que Yhwh est vivant ! » (3,13). Ces deux interventions illustrent un phénomène de langage central dans l’Antiquité, où il allait de soi que le serment humain intègre une référence à l’absolu de Dieu9. « Les hommes, étant infidèles, recourent au serment pour obtenir de la crédibilité », écrit Philon dans son De sacrificiis (93), « Dieu, en revanche, quand il parle, est digne de foi [pistos] puisque ses logoi ne diffèrent en rien, quant à la certitude, d’un serment. Nous ajoutons le serment à nos affirmations, alors que le serment lui-même est rendu digne de foi par Dieu. Dieu n’est pas crédible à cause [dia] du serment, mais le serment est sûr à cause de Dieu »10. À travers les serments de Ruth et de Booz, et dans leur manière d’impliquer le Dieu d’Israël dans les paroles « qui comptent », le lecteur découvre que le Dieu caché (par le narrateur) n’est en rien congédié de l’histoire vécue des personnages. Au contraire, les paroles qui les engagent sont des paroles qui l’engagent.

On peut ajouter qu’un troisième personnage — le personnage collectif du peuple et des anciens, à qui il arrive de parler d’une seule voix — n’est pas en reste à cet égard. Lors de la scène à la porte de la ville au chap. 4, lorsque gens du peuple et anciens se portent garants de l’acte juridique auquel ils viennent d’assister, et approuvent par le fait même l’ingénieux montage juridique imaginé par Booz (qui lui a permis de neutraliser un « premier » go’el, mieux placé, mais sans cœur), ils invoquent aussitôt le nom de Yhwh. Ils le font en assortissant leur engagement d’un vœu de fécondité à l’adresse du couple nouvellement formé : « Alors tout le peuple qui était au tribunal et les anciens dirent : “Témoins ! Que Yhwh rende la femme qui entre dans ta maison comme Rachel et comme Léa qui ont bâti, elles deux, la maison d’Israël. Fais fortune en Ephrata et proclame un nom en Bethléem : qu’ainsi, par la descendance que Yhwh te donnera de cette jeune femme, ta maison soit comme la maison de Perets que Tamar enfanta à Juda !” ». Faire appel à Yhwh dans un tel contexte, en l’associant aux figures de l’histoire fondatrice (Rachel et Léa ainsi que Tamar), c’est manifester que l’histoire de Ruth et de Booz n’est pas une histoire « privée » ; elle est à la mesure de la fidélité de Dieu dans l’histoire du peuple11. Ici également Dieu est impliqué dans la parole des hommes, et il l’est comme celui qui assure la continuité de l’histoire à travers celle des générations.

À côté de ces paroles déterminantes, où rebondit l’intrigue, des usages du nom de Dieu apparemment mineurs peuvent avoir eux aussi une pertinence narrative. La mention du nom de Dieu dans les salutations du chap. 2 relève sans doute des conventions : « Or voici que Booz arriva de Bethléem. Il dit aux moissonneurs : “Yhwh soit avec vous !” Ils lui dirent : “Yhwh te bénisse !” » (2,4). Dans leur contexte narratif, ces mentions du nom de Dieu font toutefois l’effet d’un clin d’œil au lecteur. La double salutation « théophanique » suit en effet immédiatement un moment (délibérément) « opaque » du récit où une péripétie décisive se trouve attribuée par le narrateur au hasard ou à la chance12. Puisque la saison est celle de la moisson des orges, et parce qu’elle est femme d’initiative, Ruth se décide à aller glaner dans un champ, « derrière celui aux yeux de qui je trouverai grâce » (2,2). Le narrateur poursuit : « Elle alla donc et entra glaner dans un champ derrière les moissonneurs. Sa destinée [lui] destina (wayyiqer miqreha) la parcelle de terre appartenant à Booz de la famille d’Élimélek » (2,3). Le lecteur de la Bible sait que ce genre d’heureuse coïncidence n’échappe pas au bon vouloir divin (voir par exemple Gn 24,15-26.45-48). La double mention du nom divin dans les salutations qui suivent l’évocation de la « destinée » fait ainsi retentir aux oreilles du lecteur (et sans doute aux oreilles de Ruth, toute proche de Booz et des moissonneurs [voir v. 8]) le nom de celui qui se cache derrière l’heureux hasard — selon le mot d’Anatole France, « le hasard est le pseudonyme de Dieu lorsqu’il ne voulait pas signer ». Dans un récit qui choisit de ne pas rendre explicites les interventions de Dieu, voilà un subtil signal renvoyant à celui qui est le maître de l’histoire13.

Si les mentions du nom de Dieu dans le discours des personnages s’inscrivent dans les développements de l’intrigue, elles contribuent également à la caractérisation de ces personnages. La complexité du personnage de Noémi se reconnaît ainsi dans ses références contrastées au Dieu d’Israël. En 1,8-9 Noémi invoque la « bonté » () de Yhwh sur ses deux belles-filles : « Que Yhwh agisse envers vous avec bonté comme vous avez agi envers les défunts et envers moi. Que Yhwh vous donne à chacune de trouver un lieu de repos chez un mari ! ». Quelques versets plus loin, s’adressant encore à ses brus, elle a des mots très durs envers ce même Dieu : « Car pour moi l’amertume est extrême, plus que pour vous ; c’est contre moi qu’est sortie la main de Yhwh » (1,13). Elle est plus explicite encore, en 1,20-21, devant les habitants de Bethléem réunis à son arrivée : « Ne m’appelez pas Noémi ! Appelezmoi Mara car Shadday [le Puissant] m’a rendue amère à l’extrême. C’est comblée que j’étais partie, et démunie me fait revenir Yhwh. Pourquoi m’appelleriez-vous Noémi, alors que Yhwh a déposé contre moi et que Shadday m’a fait du mal ? ». Dans l’amertume de ses accusations, Noémi n’est pas sans rappeler Job qui, lui aussi, recourt volontiers au nom divin de Shadday dans ses explications avec son Dieu14. Mais les rapports d’intertextualité créés par l’usage du nom « Shadday » s’étendent également du côté des récits patriarcaux, et ceci, non sans une certaine ironie aux dépens de Noémi. Lorsqu’elle accuse Shadday de l’avoir ramenée « vide » (veuve et sans descendance, ayant perdu des fils eux-mêmes sans enfant), elle semble oublier que Shadday, dans les récits patriarcaux, est le Dieu associé aux promesses de fécondité, promesses qu’il tient dans les contextes humains les plus impossibles15. Noémi, qui se perçoit sans futur en la matière et s’entoure de propositions irréelles (« Et même si je disais : “J’ai de l’espoir ; oui, j’appartiendrai cette nuit à un homme ; oui, j’enfanterai des fils” » [1,12]), l’apprendra à ses dépens, et pour sa plus grande joie : accuser Dieu en tant que Shadday, « Puissant », c’est s’exposer à de puissantes surprises. Les voisines de Noémi célébreront le « miracle » dans un raccourci significatif ; en donnant son nom au fils de Ruth, elles s’écrieront : « Un fils est né à Noémi ! » (4,16).

Le rapport qui noue intrigue et personnages autour des mentions du nom divin prend par ailleurs une forme particulière, et particulièrement audacieuse, dans le livre de Ruth. Lorsque Dieu n’intervient pas directement dans l’action racontée, il appartient d’autant plus aux hommes d’agir en son nom ou encore d’agir pour autrui16, au point d’incarner certains des attributs divins. Ainsi la « bonté » (la qui apparaît parmi les attributs divins en Ex 20,6 et 34,6) est-elle attribuée par Noémi à ses deux belles-filles moabites : « Que Yhwh agisse envers vous avec bonté () comme vous avez agi envers les défunts et envers moi » (1,8). Booz, de son côté, reconnaîtra dans la conduite de Ruth une double démonstration de cette bonté : non seulement à l’égard de sa belle-mère (voir 2,11-12), mais également à son propre égard, l’ayant préféré à d’autres partis : « Tu as montré ta bonté (hesed) de façon encore plus heureuse cette fois-ci que la première » (3,10). La surimpression de l’agir divin et de l’agir humain concerne en particulier le personnage de Booz17. En 2,20, Noémi loue Booz pour ce qu’il a entrepris de faire à l’égard de Ruth et de sa parenté : « Béni soit-il de Yhwh celui qui n’abandonne sa bonté (ḥesed) ni envers les vivants ni envers les morts » ; ainsi que l’ont remarqué plusieurs commentateurs, une ambiguïté est logée dans la syntaxe : l’antécédent de « celui qui » peut être Yhwh ou Booz18. Pour certains, l’ambiguïté est voulue : le narrateur, écrit T. Linafelt, « s’est efforcé de créer une confusion, ou au moins un recouvrement, entre le Seigneur et Booz dans le récit, et continuera de la sorte afin de rendre problématique la séparation de l’activité humaine et divine »19. En d’autres termes, Noémi louerait Booz pour avoir pris sur lui d’incarner la bonté de Dieu à l’égard des vivants et des morts du lignage d’Élimèlek20. Le même phénomène se retrouve dans les paroles de Ruth, qui incite Booz à avoir pour elle les gestes de Dieu. Lors de la rencontre initiale dans le champ à moissonner, Booz l’avait louée pour avoir cherché refuge « sous les ailes […] du Dieu d’Israël » (2,12) ; lors de la scène nocturne, Ruth reprend l’image de l’aile (qui, au singulier, peut signifier aussi « le pan du manteau »), et l’applique à leur propre relation : « Étends ton aile / le pan de ton manteau sur moi » (3,9)21. Encore une fois, l’agir de Dieu, délibérément camouflé dans la narration, trouve une manifestation dans celui des hommes et des femmes, s’engageant les uns pour les autres.

Les occurrences du nom de Dieu sur les lèvres des personnages dans le livre de Ruth offrent ainsi un bel échantillon de paroles « théophores », consacrées par la référence divine qu’elles incluent. Mais il importe de remarquer qu’elles relèvent toutes, comme c’était le cas de la perception de Noémi en 1,6, du régime de la foi. Elles n’ont apparemment pas été prononcées « en vain », mais le lecteur ne sait pas (encore) de source sûre si ces paroles — bénédictions, serments, demandes — ont trouvé en Dieu une écoute et un exaucement.

III Dans le discours du narrateur

Sur un tel fond, l’affirmation du narrateur en 4,13 se révèle exceptionnelle. Pour la première fois dans le récit — et à quelques versets de sa conclusion — le narrateur rapporte, avec l’autorité qui est la sienne, une intervention de Dieu dans l’histoire : « Et Booz prit Ruth et elle devint sa femme, et il vint vers elle, et Yhwh donna à Ruth de concevoir, et elle mit au monde un fils ». Voilà qui projette sur l’ensemble de l’histoire racontée une lumière nouvelle, qu’il s’agit à présent de faire valoir.

Remarquons d’abord que les mots employés par le narrateur en 4,13 créent un bel effet d’écho avec le verset 1,6 qui avait mis en route l’action :

1,6

car elle avait entendu dans le champ de Moab que Yhwh avait visité son peuple pour lui donner du pain.

4,13

Yhwh lui donna de concevoir et elle enfanta un fils

Yhwh est celui qui donne (natan) le pain comme il est celui qui donne (natan) la descendance. « Le don du pain que Dieu avait accordé en 1,6 avait restitué à la terre sa fécondité ; le don de la maternité rend à présent Ruth féconde »22. Les manques qui avaient été au départ de la quête de Noémi, rejointe et secondée par Ruth, ont donc l’un et l’autre trouvé réponse, grâce à « la synergie de Dieu et des acteurs humains »23.

Il importe par ailleurs de prendre la mesure de la surprise que le récit réserve en sa finale24. L’histoire de Ruth et de ses proches, découvre le lecteur, ne se clôt pas comme une histoire « privée », mais comme un chapitre (et un maillon) dans l’histoire du peuple. À l’instar de la maternité des matriarches « visitées » (rendues fertiles) par Yhwh, la maternité de Ruth concerne le peuple entier25. La situation du verset 4,13 le manifeste : le récit de la conception et de la naissance du fils de Ruth se situe entre la demande de fécondité pour le couple adressée à Yhwh par le peuple et les anciens (vv. 11-12) et la bénédiction de Yhwh par les femmes du peuple pour le don de l’enfant (vv. 14-15). S’il naît de l’union de Ruth et de Booz, l’enfant est tout autant une réponse à la prière du peuple (qui avait d’ailleurs associé Ruth aux figures de Rachel et Léa, fondatrices dans l’histoire du peuple)26. Obed reçoit son nom non pas de ses parents mais des « voisines », et il s’inscrit dans les généalogies déterminantes de l’histoire d’Israël : « Il fut le père de Jessé, père de David » (4,17). Tel est d’ailleurs le point d’orgue du récit qui, dans ses versets finaux (4,18-20), prolonge les toledot (« engendrements ») de la Genèse jusqu’à David, via Booz et Obed27. Dans ses ultimes versets, le récit révèle ainsi son cadre interprétatif d’ensemble. Ce que nous croyions être l’histoire d’un noyau familial ou, tout au plus, l’histoire d’un clan était un chapitre de l’histoire du peuple, scandée par les visites divines et les engendrements qui comptent28. Parce qu’ils sont ainsi convoqués dans l’histoire que Dieu construit avec son peuple, les protagonistes du livre de Ruth reçoivent un surcroît de pertinence biblique29. « Les personnes dans la Bible », écrit J. Nohrnberg, « ne doivent pas leur caractère à leur propre casting, comme les individualistes princiers chez Shakespeare ; ils ne le doivent pas non plus à leurs habitudes, comme les pécheurs récidivistes chez Dante ; ni non plus aux étoiles, comme les types terre-à-terre chez Chaucer. Ils doivent leur caractère à un statut d’exception qui, en fin de compte, provient de Dieu […], étant tous toujours sous l’emprise de leur élection à leur rôle : vocation, mission, relais, office ou devoir »30. Tout « princiers » (au principe d’eux-mêmes et riches dans leur humanité) qu’ils aient été dans leurs rôles respectifs, Ruth et Booz n’étaient donc pas la mesure de leur propre histoire. Le lecteur se retrouve la main devant la bouche (comme en bien des cas de surprise narrative) : ainsi donc, dans le dévouement et la fidélité de ces personnages de la scène quotidienne (dans leur mutuelle) se jouait la grande histoire, celle du dévouement et de la fidélité (et donc de la ) de Dieu pour son peuple. La surprise déclenche, ainsi qu’elle le fait toujours, une relecture de l’histoire, qui apparaît dans une convenance nouvelle. Dans notre cas, cette convenance remonte, rétrospectivement, jusqu’au premier verset : « Il y eut, aux jours du jugement des juges, une famine dans le pays, et un homme de Bethléem de Juda alla séjourner dans les champs de Moab, lui, sa femme et ses deux fils ». L’histoire devait, bien sûr, se produire à l’époque des juges, puisqu’elle assure la jonction entre cette période « stérile » de l’histoire d’Israël et sa relance royale ; elle devait, bien sûr, prendre son départ (et aboutir) à Bethléem, puisqu’il s’agit là de la ville natale de David.

Ce qu’il faut enfin, et surtout, mesurer, c’est l’incidence de l’intervention du narrateur en 4,13 dans la « phénoménologie » de la lecture du livre de Ruth. Jusqu’à ce point du récit, Dieu n’est apparu que réfléchi dans la perception ou dans les paroles croyantes des personnages humains : il appartenait à leur perspective de foi. En 4,13, le narrateur nous fait sortir de cette perspective et rapporte une intervention directe de Dieu dans l’histoire racontée — « Yhwh donna (à Ruth) de concevoir et elle enfanta un fils »31. Dans le récit biblique (et dans le contrat de lecture qui lui est associé), l’autorité du narrateur opère à la manière d’un principe de réalité ; la voix du narrateur est celle qui établit la vérité des choses, au-delà des limites liées aux points de vue humains32. En révélant que c’est Yhwh, et nul autre que lui, qui donna à Ruth de concevoir, le narrateur projette sur tout ce qui précède une lumière décisive : il manifeste que rien ne fut vain de ce qui fut vécu jusque là dans la foi et dans la parole de foi. La demande du peuple et des anciens, formulée dans la foi en Yhwh (4,11-12), est exaucée par Yhwh (4,13). Le Dieu qui a « donné de concevoir » l’enfant, comme l’établit le narrateur, est celui qui a « donné le pain », ainsi que le croyait Noémi au début de l’histoire. Le don de l’enfant par Yhwh au point d’aboutissement de l’histoire révèle que Dieu était effectivement présent tout au long de cette histoire, répondant à la foi et aux paroles de foi des uns et des autres33.

Cette révélation in extremis n’annule pas pour autant le chemin parcouru. Au long de ce chemin, le lecteur et les personnages du récit ont eu en commun d’être (simplement) croyants, voués aux mêmes paroles de bénédictions, de demandes et de serments impliquant le nom du Dieu vivant, mais caché. Au terme de l’histoire, le lecteur bénéficie certes d’un « plus » par rapport aux personnages : il sait de source sûre, grâce au narrateur, que Yhwh est au rendez-vous de ces demandes, de ces bénédictions et de ces serments. Emportant le livre de Ruth comme un viatique dans son propre chemin de foi, le lecteur se le tiendra pour dit : Dieu répond à ceux qui prennent des risques dans la foi et dans la parole de la foi.

Notes de bas de page

  • 1 Dans l’introduction de son essai The Theology of the Book of Ruth, Philadelphie, Fortress, 1969, R. Hals écrit ainsi : « L’auteur cache l’action de Dieu durant le cours de l’histoire simplement parce qu’il estime qu’elle est cachée par nature. Le livre de Ruth est dès lors une histoire à propos du Dieu caché » (p. 16 ; nous traduisons) ; voir la synthèse à ce propos dans D. Scaiola, Rut. Nuova versione, introduzione e commento, I Libri Biblici 23, Milano, Paoline, 2009, p. 217-220.

  • 2 Voir Y. Amit, « The Dual Causality Principle and its Effects on Biblical Literature », dans Vetus Testamentum 37 (1987) p. 385-400.

  • 3 Le discours direct et le discours indirect libre sont aussi, mais chacun à sa manière, le lieu d’une telle pluralité de voix et de points de vue ; voir M. Sternberg, « How Indirect Discourse Means. Syntax, Semantics, Poetics, Pragmatics », dans R. Sell (éd.), Literary Pragmatics, Routledge, Londres, 1991, p. 62-93 (avec des exemples bibliques), ainsi que « Point of View and the Indirections of Direct Speech », dans Language and Style, 15, 1982, p. 67-117 ; en contexte biblique, voir aussi Id., The Poetics of Biblical Narrative, Bloomington, Indiana University Press, 1985, p. 454-455.

  • 4 Le verbe paqad, communément rendu par « visiter », signifie « examiner, regarder quelqu’un avec attention, avoir de l’attention pour quelqu’un ». La « visite » divine peut être punitive lorsque Dieu « passe en revue » le péché de l’homme ou du peuple (ainsi en Ex 20,5 ; 32,34 ; 34,7 ; Lv 18,25 ; 26,16 ; Dt 5,9 ; Jr 6,15), ou salvifique, lorsqu’elle traduit les « égards » de Dieu pour son peuple, intervenant contre ses ennemis ou le libérant de son infortune (ainsi en Gn 50,24 ; Ex 3,16 ; 4,31, 13,19) ; dans le cas de Sara et d’Anne, en Gn 21,1 et 1 S 2,21, la « visite » divine signifie leur libération de la stérilité.

  • 5 Lecture corroborée par l’option du narrateur de nous partager également le point de vue de Noémi en 1,18 (« Et [Noémi] vit que [Ruth] était résolue à aller avec elle »). A. Wénin fait observer : « Chose qu’il ne fait pour aucun autre personnage, le narrateur donne au lecteur de percevoir les choses avec les yeux de Noémi à des instants cruciaux de son évolution. Ainsi, à travers ce qu’elle entend, l’on apprend la fin de la famine qui la décide à rentrer en Juda (1,6b). De même, le narrateur montre comment Noémi perçoit la décision de Ruth de rentrer avec elle, permettant au lecteur de deviner ses sentiments (1,18a) » (Le livre de Ruth. Une approche narrative, Cahier Évangile 104, Paris, Cerf, 1998, p. 14-15).

  • 6 Même si, comme le découvre le lecteur dans la suite, la foi de Noémi inclut une bonne part de ressentiment ; dans sa complexité, le personnage de Noémi n’est toutefois pas à un paradoxe près (voir notamment Wénin, Livre de Ruth … [cité supra n. 5], p. 17-41).

  • 7 Ces occurrences sont au nombre de 21 ; 16 fois comme « Yhwh » (1,8.9.13.17.21[2x] ; 2,4[2x].12[2x].20 ; 3,10.13 ; 4,11.12.14) ; 2 fois comme « Shadday » (1,20.21) ; 3 fois comme « Dieu » (Elohim) (1,16 [2x] ; 2,12).

  • 8 Cette formule qui demande à Dieu de sanctionner toute infidélité au serment apparaît 12 fois dans la Bible hébraïque ; à côté de l’occurrence en Rt 1,17 tous les autres emplois se lisent en 1-2 S et 1-2 R (voir notamment le serment que prononce Jonathan à l’adresse de David en 1 S 20,13).

  • 9 Voir G. Agamben, Le sacrement du langage. Archéologie du serment (Homo sacer II,3), trad. de l’italien par J. Gayraud, Paris, Vrin, 2009, qui intègre notamment, autour des sources bibliques, grecques et latines, les apports de G. Dumézil, E. Benvéniste et L. Wittgenstein.

  • 10 Cité dans Ibid. p. 36-37.

  • 11 Ce principe était déjà présent dans le serment de Ruth : « ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu » (1,16).

  • 12 Ainsi que le note Hals, The Theology… (cité supra n. 1), p. 12, « Le fait de caractériser la rencontre de Ruth avec Booz comme “chance” n’est rien d’autre, pour l’auteur, qu’une manière de dire qu’aucune intention humaine n’y était impliquée. Pour Ruth et Booz, ce fut un accident, mais non pour Dieu. L’ensemble de l’histoire le rend d’ailleurs manifeste : le narrateur voit la main de Dieu à l’œuvre tout au long des événements » (nous traduisons).

  • 13 Comme l’écrit Amit, « dans les histoires racontées sur le mode de la “causalité duelle”, Dieu n’apparaît pas lui-même sur la scène des événements, et le narrateur a dès lors à développer des techniques qui intègrent le système de la causalité divine de manière indirecte » (« The Dual Causality… [cité supra n. 2], p. 397 ; nous traduisons).

  • 14 Job interpelle ou nomme 31 fois Dieu comme « Shadday ». Voir Scaiola, Rut … (cité supra n. 1), p. 92, qui fait notamment observer la proximité de la plainte de Noémi avec Jb 27,2.

  • 15 Cf. Gn 17,1 ; 28,3-4 ; 35,11 ; 43,14 ; 48,3 ; 49,25 ; voir Ibid., p. 92.

  • 16 Voir l’initiative de Noémi qui, en 3,1, entreprend de trouver elle-même un « repos » (c’est-à-dire un heureux parti) à Ruth, ce qu’elle avait d’abord demandé à Yhwh en 1,9. Dans un récit où Dieu n’énonce pas les missions et les tâches des uns et des autres, l’impératif divin se trouve comme subsumé par la responsabilité éthique des uns devant les autres — « Dieu ne commande que par les hommes pour qui il faut agir », peut-on commenter alors avec E. Levinas, En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 1949, p. 177.

  • 17 Le nom de Booz, bo- ‘oz, « En lui, la force », peut-il être compris comme théophore — « En lui, la Force (de Yhwh) », « En lui, le Fort » ? Quoi qu’il en soit, la proximité de Booz et de Yhwh dans le récit est impressionnante, ainsi que le fait remarquer Wénin : « À partir du chapitre 2, lorsque Dieu est cité ou intervient, il est toujours lié à Boaz d’une façon ou l’autre. Boaz l’invoque en faveur de Ruth (2,12 ; 3,10.13), tandis que Noémi (2,20) et les anciens (4,11-12) l’invoquent en sa faveur. Et si la seconde intervention directe du Seigneur est destinée d’abord à Ruth, elle touche Boaz à travers elle (4,13). Boaz apparaît donc dès son entrée en scène comme le fidèle du Seigneur » (Livre de Ruth … [cité supra n. 5], p 54-55).

  • 18 Voir notamment B. Rebera, « Yahweh or Boaz ? Ruth 2 :20 Reconsidered », dans The Bible Translator 36 (1985) 317-327.

  • 19 T. Linalfelt, dans T. Linafelt – T.K. Beal, Ruth and Esther, Berit Olam. Studies in Hebrew Narrative and Poetry, Collegeville, Liturgical Press, 1999, p. 42 (nous traduisons).

  • 20 Autre exemple, relevé par Scaiola, Rut … (cité supra n. 1), p. 219 : lorsque Booz en 3,17 remplit d’orge le châle de Ruth avec les mots (rapportés par celle-ci) « Tu ne retourneras pas à vide auprès de ta belle-mère », il retourne la lamentation de Noémi, qui avait accusé Shadday de l’avoir ramenée « à vide » à Bethléem (1,21).

  • 21 Les commentateurs ne manquent pas de le faire remarquer (à travers une référence à Ez 16,8), « jeter le pan de son manteau » sur une femme est une action symbolique indiquant qu’on la prend pour épouse ; en parlant de la sorte, Ruth formulerait dès lors indirectement une demande en mariage, et c’est ainsi d’ailleurs que Booz comprend ses mots (cf. 3,10) ; voir notamment D.A. Kruger, « The Hem of the Garment in the Marriage : The Meaning of the Symbolic Gesture in Ruth 3 :9 and Ezek 16 :8 », dans JNSL 12 (1984), p. 79-86.

  • 22 D. Scaiola, Rut … (cité supra n. 1), p. 198.

  • 23 Ibid.

  • 24 À propos de la surprise comme l’un des « universaux » du récit (à côté du suspense et de la curiosité), et à propos de son incidence en contexte biblique, voir M. Sternberg, The Poetics of Biblical …(cité supra n. 3), p. 309-320, et J.-P. Sonnet, « L’analyse narrative des récits bibliques », dans Manuel d’exégèse de l’Ancien Testament, M. Bauks et Chr. Nihan (éd.), MoBi 61, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 70-72.

  • 25 La maternité de Ruth, directement attribuée à l’intervention de Dieu (non sans le concours des époux !), fait écho à celle des matriarches (cf. Sara en Gn 21,1-2 ; Rebecca en Gn 25,21 ; Rachel en Gn 30,22-23 ; cf. également la mère de Samson en Jg 13 et Anne en 1 S 1,19-20) (voir D. Scaiola, Rut … [cité supra n. 1], p. 198). Certes, à la différence de ces femmes, et malgré les années du premier mariage sans naissance (Rt 1,4), Ruth n’a jamais été présentée comme stérile. Toutefois le contraste entre les longues années de vie matrimoniale inféconde en Moab et l’immédiateté de la conception présente rapproche Ruth de ces femmes « miraculées » dans leur maternité.

  • 26 Ruth, à la différence d’Anne (1 S 1,11-12) ou d’Isaac (Gn 25,21), n’a jamais prié pour obtenir un fils, même si la naissance du descendant était à l’horizon de toute sa quête.

  • 27 Il est possible que la généalogie finale (4,18-22) soit un ajout secondaire, comme le soutiennent différents auteurs. Elle prolonge toutefois de manière efficace la révélation de 4,17 — Obed sera le grand-père de David.

  • 28 « Ce n’est qu’avec la mention de David », écrit Hals, « que le cadre interprétatif [du récit] est subitement, et pleinement, fourni. De manière subite il devient clair que toute l’histoire n’était autre chose que Heilsgeschichte ! » (The Theology,… [cité supra n. 1], p. 17).

  • 29 Cf. D. Scaiola, Rut … (cité supra n. 1), p. 202-203, à propos du rapport généalogique d’Obed à David : « La présence de Dieu dans le récit se revêt d’un sens différent. Il n’est plus seulement celui qui prend soin de ces deux femmes, mais aussi et surtout celui qui à travers cette histoire particulière tourne son attention à tout Israël » (nous traduisons).

  • 30 J.C. Nohrnberg, « Princely Characters », dans J. P. Rosenblatt – J. C. Sitterson, Jr. (ed.), « Not in Heaven. » Coherence and Complexity in Biblical Narrative, Bloomington, Indiana University Press, 1991, p. 60 (nous traduisons).

  • 31 La proposition en Rt 1,6 (« Yhwh avait visité son peuple pour lui donner du pain ») ne peut avoir le même degré d’autorité puisque sa forme indirecte fait surgir des hypothèses concurrentes (s’agit-il du point de vue d’informateurs ? du narrateur ? de Noémi ?), et puisque le contexte narratif favorise une référence au point de vue (subjectif, et donc limité) de Noémi.

  • 32 À propos de l’omniscience et de la fiabilité du narrateur dans le récit biblique, voir M. Sternberg, The Poetics… (cité supra n. 3), p. 58-83, ainsi que J.-P. Sonnet, « Analyse narrative… » (cité supra n. 24), p 53-56.

  • 33 Le lecteur peut d’ailleurs reconnaître a posteriori, comme le fait observer R.L. Hubbard avec perspicacité, que « chacune des prières dans le livre trouve sa réponse dans le cours de l’intrigue (1,8-9 ; 2,12.19-20 ; 3,10 ; 4,11-12.14) ». L’exégète d’ajouter : « Puisque seul Yahweh répond aux prières, de telles réponses indiquent son activité dans l’histoire racontée » (The Book of Ruth, NICO, Grand Rapids, Eerdmans, 1988, p. 69-70).

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