Comme personne. La singularité humaine et ses incertitudes

Agnès Minazzoli
Philosophy - reviewer : Markus Kneer
L'A. (CNRS), spécialiste de la Renaissance italienne, de Nicolas de Cues et de Montaigne, nous offre ici un livre qui est personnaliste et personnel à la fois. Du côté personnaliste, elle dénonce par l'image d'« archipel » une certaine lecture du sujet moderne « isolé », c.-à-d. qu'elle abandonne une interprétation individualiste de la personne et souligne son enracinement intersubjectif et charnel (p. ex. par le concept de l'« humanimalité » pour réconcilier l'humain et l'animal, mais aussi l'esprit et le corps) : la singularité du « Je » n'est pas incommunicable et ouvre la porte à la première personne plurielle, au « nous », tout en gardant son intégrité. Dans cela l.'A. suit la piste de V. Descombes, mais avec des nuances : le champ d'investigation est « celui de la singularité humaine entre rêve et réalité » (p. 14). L'ouverture pour l'art et la littérature est dans cette approche incontournable et souligne le caractère personnel du livre.
Les témoins de la singularité sont innombrables : Léonard de Vinci, Spinoza, Montaigne, Baudelaire, Rimbaud, Nietzsche, Dostoïevski, Melville, Deleuze, Merleau-Ponty, etc. Dans un temps où le concept de la personne est trop marqué par un certain conceptualisme analytique, on découvre ici une histoire alternative du terme (« une histoire non linéaire de la conception philosophique de l'individu », p. 28) qui peut bien faire le pont avec ses racines chrétiennes. Les nombreuses références à la littérature font penser à l'approche de Ricoeur dans « Soi-même comme un autre ». En même temps, la prise de conscience de la corporalité du soi est un aspect qui mène au-delà de l'herméneutique textuelle. Avec Léonard de Vinci, p. ex., l'A. trouve un témoin par excellence de la singularité communicable et charnelle au seuil de notre modernité, qui s'est exprimé plus globalement que seulement par des textes. Ce beau livre est un vrai plaidoyer pour « refaire la Renaissance » (E. Mounier) et pour « être une personne » (E. Housset). - M. Kneer

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