Celui qui a eu la chance d'écouter un bon interprète récitant le
Coran peut avoir une idée du statut dont leur livre saint jouit
chez les musulmans. Mais ce statut ne se limite pas au contexte
liturgique. Le Coran est pour beaucoup la mesure de toutes choses
- en littérature comme en science. Théologiquement, on peut
comprendre que les fidèles voient dans le texte sacré la perfection
absolue qui a une autorité incontestable - grâce à son origine
divine. D'où aussi la réserve envers toutes sortes de traduction.
Le discours qui s'est créé autour de cette perspective est celui de
l'i'gâz (inimitabilité). Dans les trois premiers
chap., les A. tracent le développement et la sémantique de ce
discours dans le Coran, dans la tradition prophétique et dans la
pensée musulmane jusqu'à aujourd'hui. Dans le débat entre les
Mu'atazilites et les Ašarites (x-xie s.), toute la
problématique de ce dogme devient visible, si on veut le prouver
par les sciences non-religieuses : littérature, science,
histoire. Dans les trois derniers chap., les A. examinent le
discours dans les trois domaines mentionnés, tout en soulignant que
le discours du miracle cache des antagonismes et des tensions
remarquées aussi par des chercheurs musulmans (modernes, mais
aussi par un auteur médiéval comme Ibn Hazm). Par cette démarche,
il devient clair que le discours sur le miracle coranique peut être
un des principaux obstacles pour une herméneutique renouvelée du
Coran. Une herméneutique qui pourrait bien profiter du travail
d'Angelika Neuwirth (Der Koran als Text der Spätantike,
2010) et du projet « Corpus Coranicum » (Académie des
Sciences de Berlin-Brandebourg) qui malheureusement n'est pas
mentionné dans le livre de nos auteurs. Neuwirth consacre une
partie de son livre au problème de l'i'gâz (ibid.,
p. 732-744). - M. Kneer