L'origine religieuse des droits de l'homme. Le christianisme face aux libertés modernes (XVIIIe-XXIe siècle)

Valentine Zuber
Morality and law - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Dans le prolongement de son ouvrage Le culte des droits de l'homme (Paris, Gallimard, 2014), Valentine Zuber nous donne ici une étude consacrée à l'article sans doute le plus complexe de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à savoir le 10e, qui énonce : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». En apparence, un article parmi tous les autres qui garantissent une série de droits. Et pourtant, il s'agit là d'un article qui fit l'objet de bien des débats et dont l'interprétation fut pour le moins multiple, en particulier parce que bon nombre de penseurs, au sens large, le regardèrent comme fondé sur des considérations proprement religieuses, allant dans des directions pour le moins variées.
V.Z. a donc mené une enquête minutieuse, dans l'univers protestant et dans l'univers catholique, afin de voir comment cet article y trouvait des racines et comment il y fut reçu. Si le monde protestant fut plutôt enthousiaste à l'accepter, y voyant une expression authentique de la foi chrétienne, il n'en alla pas de même dans l'univers catholique qui, plus généralement, y vit une contradiction avec le contenu de sa foi, comme d'ailleurs il s'opposa vigoureusement à toute la Déclaration, avant d'être, surtout depuis le pontificat de Jean-Paul ii, un fervent partisan de la liberté religieuse.
L'ouvrage est particulièrement dense et exige une attention soutenue de tous les instants. Ce n'est point là une critique, car au fur et à mesure de la lecture, on est amené à percevoir qu'un tel article est loin précisément d'être un parmi d'autres. Car, derrière le contenu religieux, il y va de la conception de l'homme et de sa vie en société, y compris quant à son insertion dans un État qui, bon gré mal gré, doit prendre en considération le côté religieux de l'être humain.
Beaucoup de choses pourraient être discutées. Ce qui me paraît toutefois devoir être relevé est que le lecteur doit être attentif aux mots, et dès lors à leur contenu, et à un contenu qui doit toujours être compris dans son contexte, et que ce dernier peut fortement varier selon les époques. Quiconque s'intéresse de près à cette « liberté » ne peut manquer de voir que derrière ce terme s'en profilent d'autres : foi, opinion, culte, religion, etc., et qu'il n'est pas si aisé qu'on ne pourrait le croire de comprendre ce qu'est la « liberté de culte » et la « liberté religieuse », d'autant plus que partisans et adversaires (pour faire court) usent d'un même langage qui ne recouvre pas les mêmes réalités dans leur chef respectif.
Et que dire alors, lorsque cet article, conçu en terreau chrétien, se trouve confronté à une religion qui n'est pas de même contenu que le dogme chrétien, voire à une société qui n'envisage même pas qu'une place puisse être faite à n'importe quelle forme de religion ?
Quoi qu'il en soit, ce livre mérite qu'on s'y arrête. Il est parfois ardu à lire, on l'a dit plus haut. Pour ma part, en plus de la richesse de la documentation qu'il fournit au lecteur, il me semble qu'il porte en lui-même la leçon suivante : quand une société ou un État se mêle de parler de religion - au sens large - et surtout entend réglementer en la matière, il ne touche jamais à un sujet anodin. - B. Joassart s.j.

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