«La paternité est éthique ou elle n'est pas. Ou en termes à peine
différents: elle est spirituelle ou elle n'est pas» (18). C'est
donc par «élargissement» de la dimension psychologique que procède
cet essai, dont les trois premiers chapitres peuvent être omis,
avant l'«approfondissement» initié par le quatrième chapitre, «le
plus original peut-être quant à la méthode» (phénoménologique): ici
apparaissent six postures paternelles qui relèvent de
«l'esthétique» et sont porteuses, en germe, d'une «éthique». Le
cinquième chapitre «entre dans le vif du sujet»: la paternité comme
aventure spirituelle (entendons: d'esprit à esprit). Le chapitre
suivant montre la diversité des médiations paternelles (adoptive,
spirituelle, relayée, morcelée, de l'ombre), avant le dernier
chapitre («Vous n'avez qu'un Père») où le propos devient
théologique: l'accueil d'un don antérieur et unique comme bonne
nouvelle pour la paternité. L'auteur dialogue avec mille sources,
notamment avec M. Henry, souvent suivi, parfois contesté (269-270),
et il met au point bien des poncifs: sur l'homosexualité (78), sur
l'»inconditionnalité de l'amour maternel» (82), sur la
pluriparentalité (112), sur le pardon qui n'est pas un déni (214)…
Et surtout, il se place du point de vue du père tourné vers ses
enfants («Au fond, derrière toutes ses expressions symboliques, le
lien paternel est un lien secret. Il l'a été dès le commencement;
il le demeurera jusqu'à la mort», 209). «Passeur de vie, passeur
d'espérance», le père est lui-même appelé à effectuer des passages
(223); l'image de saint Christophe reproduit ce «passeur» en
couverture et achève l'ouvrage: le père tient, il a tenu, et il
ouvre les portes du futur (299). Des propos qui ne sont pas
descriptifs, mais «axiologiques»: donner la vie par laquelle on est
traversé réalise le dessaisissement que la paternité implique en sa
vérité. Un essai tout en pudeur (où la paternité de saint Joseph
est réfléchie, 148; 234; mais aussi, la toute puissance des femmes
sur la vie, 256), quand «les appels vers le père» plaident «pour
une pluralité qui ne soit pas dissociation, autant qu'ils plaident
pour une unité qui ne soit pas clôture» (263). - N. Hausman, S.C.M.