Claire Coleman, écrivain, et l'argentin Fernando Ortega, prêtre et
docteur en théologie, signent leur quatrième essai sur la musique
de Mozart, en se centrant sur l'évolution de ses sept principaux
opéras. Ils en décèlent toute la profondeur en les interprétant
tous comme un passage successif de l'enfer au purgatoire, enfin au
ciel. Cette grille de lecture propose de plus une progression,
dûment argumentée. L'Idoménée, L'Enlèvement au sérail et Les Noces
de Figaro (1781-1786) scrutent ces passages au niveau de la comédie
humaine exaltée de manière extravertie par la musique. Puis, Don
Giovanni, Cosi fan tutte et La flûte enchantée (1787-1790)
intériorisent cette même trajectoire d'abord sous la conduite des
hommes, comme La divine comédie de Dante propose la visite de
l'enfer et du purgatoire sous la conduite de Virgile, réservant à
Béatrice la guidance du paradis. Mais ces deux séries d'opéras
n'abordent pas encore la vérité chrétienne du Royaume, tel qu'il
permet d'échapper à l'enfer et d'entamer la seule purification qui
mène au vrai paradis. Selon ces auteurs, le point culminant du
cheminement de foi de Mozart est à reconnaître dans son dernier
opera seria, La clémence de Titus (1791), pourtant décrié par
certains musicologues. Cette oeuvre serait à comprendre selon la
confession exprimée par la liturgie du Requiem, composé lui aussi à
la fin de la vie de Mozart. «Il y a quelque chose de divin dans la
position de Titus en tant que dispensateur de justice et de
clémence. Nous prenons conscience que le rapport de beaucoup de
personnages avec Titus rappelle celui des êtres humains avec le
Dieu chrétien» (Nicholas Till, cité p. 99).Dans la seconde partie
de leur ouvrage, les AA. traitent du Fils en relevant à quel point
le génie de Mozart s'est reconnu en Christ, sublimant sa relation à
son père surtout depuis sa mort. Ils abordent aussi la dialectique
de la foi et de la raison, puisque Mozart a appartenu à la loge
maçonnique d'inspiration rosicrucienne, tout en demeurant fermement
enraciné dans la foi chrétienne, celle qui annonce la
réconciliation par le pardon des péchés. Enfin, ils rappellent à
quel point Mozart a proclamé et chanté la nécessité de mourir pour
participer au «sacrifice de communion». Nous ne pensons pas que
cette forme de systématisation tout ensemble anthropologique,
symbolique et théologique audacieusement proposée par nos AA. soit
une sorte de lecture par trop élaborée de la trajectoire musicale
et spirituelle de Wolfgang. Le vif et profond éclairage que suggère
cet essai ne peut que contribuer à manifester un génie qui dépasse
toute mesure humaine. - R. Lafontaine sj