Même s'il se trouve désorienté «par la surabondance et la variété»,
avertit l'auteur dans l'introduction de son ouvrage, le lecteur de
Louis Bouyer «est vite captivé par sa réflexion toujours passionnée
et intuitive, souvent paradoxale et pugnace, jamais pédante». De
surcroît, «une lecture persévérante» permet de découvrir «à travers
cette multiplicité de perspectives, une théologie très unitaire
dans son inspiration et très aboutie quant à son programme» (p.
130). L'auteur, de nationalité italienne, attaché actuellement au
Centre des sciences religieuses à Trente, ajoute qu'un tel constat
a guidé son étude. Le résultat, probant, de celle-ci est proposé
sous un intitulé qui «juxtapose deux notions omniprésentes dans
l'oeuvre de Bouyer», confiées primordialement par l'Écriture Sainte
à l'expérience et à la réflexion du croyant: «Connaissance et
mystère» (p. 33). Intitulé «Fondements», la première partie du
livre identifie la source de la théologie de Bouyer: la Parole du
Dieu vivant (chap. 1er), assimilée par le fidèle lors de la
proclamation et de la célébration liturgiques (chap. 2), influant
sur toute l'existence (chap. 3). La deuxième partie, «Dialogue»,
suit Bouyer, de façon avertie, dans ses recherches et ses
contributions oecuméniques (chap. 5); la figure de J.-H. Newman y
est privilégiée (chap. 6). Particulièrement impressionnante par les
échanges qu'elle entraîne entre théologien oratorien et son
interprète, la troisième partie, dénommée «Synthèse» est consacrée
aux systématisations mises en oeuvre par Bouyer dans sa maturité:
la christologie donne l'orientation de l'ensemble (chap. 7); autour
du double foyer d'unité, l'«économie» chrétienne et la «théologie»
(chap. 8), sont organisées la doctrine mariale, l'ecclésiologie, la
confession trinitaire et, finalement, l'«l'intuition fascinante du
cosmos tout entier promis à la communion divine de l'agapè, dans un
accomplissement eucharistique de l'histoire du salut, elle-même
coextensive de l'histoire du monde» (p. 32).
L'énumération des chapitres du livre et de leurs contenus, à elle
seule, montre que l'auteur a mis en évidence les idées
fondamentales de Louis Bouyer et qu'il s'est employé à les
récapituler. Cependant, ce n'est pas seulement une récapitulation
de la théologie d'un maître qu'il effectue; sa propre réflexion de
théologien accompagne celle-ci, la relaie, met en oeuvre ce qu'elle
promet encore, amplifie les ressources qu'elle contient. À cet
égard, les interventions ou mises au point, dans le texte parfois,
dans les notes régulièrement, sont particulièrement réussies.
L'auteur écoute Bouyer, l'interroge, accueille d'autres théologiens
intéressés par le sujet, propose son opinion. Il sait utiliser la
plume (comme Bouyer, qui écrit noir sur blanc), mais il adopte
aussi l'aquarelle: sa composition, précise, est colorée des clartés
et des nuances qui conviennent. Un livre stimulant, donc, et
capital. L'éditeur qui le publie réédite quelques ouvrages épuisés
de Louis Bouyer; un telle concomitance n'est-elle pas éloquente? -
P. Piret sj