Corpus mysticum. L'Eucharistie et l'Église au Moyen Âge. Étude historique, éd. G. Chantraine, M. Sales, J.P. Wagner

Henri de Lubac s.j.
Theology - reviewer : Alban Massie s.j.
De cet ouvrage fondamental pour le renouveau de la théologie ecclésiologique et sacramentelle du xxe siècle, l'A. revendiquait le côté «naïf». Il s'agissait d'examiner le déplacement sémantique d'une formule qui n'est ni biblique ni patristique et qui, quand elle apparaît au ixe s., n'était ni ecclésiologique, ni christologique, mais eucharistique: au premier millénaire on appelait volontiers le corps du Christ à l'autel corpus mysticum en lien avec le grand corps que forme l'Église et dont le Christ est la tête (cf. Paschase Radbert: «Il y a trois manières selon lesquelles, dans les Écritures, on parle du Corps du Christ: l'Église en sa totalité qui est son Corps, le Corps mystique du Christ sur l'autel, enfin le Corps né de la Vierge Marie»); avec l'entrée dans le deuxième millénaire, l'accent change. On appelle de plus en plus le corps du Christ à l'autel verum corpus. Cette évolution trouve son point de non retour à l'aube du xiiie siècle, et l'épithète «mystique» se trouve de plus en plus reléguée à l'Église définie comme «corps mystique». De cette minutieuse enquête dont le point de départ est l'étude du Corpus triforme d'Amalaire, objet de la deuxième partie de l'ouvrage, on a surtout retenu la formule lubacienne développée plus tard dans Méditation sur l'Église: «L'eucharistie fait l'Église, l'Église fait l'Eucharistie», au risque de privilégier la deuxième des deux faces de ce même mystère. À ce sujet, Mgr E. de Moulins-Beaufort fait remarquer dans l'introduction que cette expression a un ordre: «L'Église qui célèbre n'est pas d'abord l'assemblée concrètement présente en un lieu et dont la liturgie, par « une pédagogie appropriée », devrait faire une communauté. La communauté est procurée par le sacrement qui fait de l'Église en son entièreté le Corps du Christ» (Intr., p. XII). L'Église n'existe que dans l'acte du Christ s'offrant au Père, ce sacrifice intégrant en sa Personne toutes les relations qu'il engage et incorpore. Plus largement, Mgr E. de Moulins-Beaufort relève les deux axes présents dans l'ouvrage, typiques de toute l'oeuvre lubacienne: la reconnaissance du Fait unique du Christ, d'une part, et, d'autre part, «l'élimination du temps» ou le temps allongé depuis la venue du Christ en sa chair, qui correspond à l'expansion de l'Église comme sacrement pour le monde. H. de Lubac l'écrivait lui-même dans l'avant-propos de l'édition allemande de CM (repris dans l'ouvrage): «Transcendance et universalisme: les deux choses sont solidaires, et tout ce qui risque d'y porter atteinte risque, en pervertissant le mystère eucharistique, de ruiner l'oeuvre du Christ» (p. 403).Comme dans les autres ouvrages de l'édition complète, plusieurs autres textes - véritables bijoux théologiques et spirituels - éclairent ou vulgarisent judicieusement la pensée et la pratique pastorale de l'A.: «Vigile de Pâques», écrit en 1940; «La portée sociale de la Messe» (1942); «Communauté chrétienne et communauté sacramentelle» (1942); «Le sens de la Messe» (1946); «L'Eucharistie, présence du Christ. Un mystère inépuisable» (1971). - A. Massie sj

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