Un livre d’entretiens est un dialogue avec un interlocuteur principal (Mgr G. de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne) et un interlocuteur qui pose les questions; il élabore des positions qui interpellent et donnent du relief au dialogue. Dans ce dernier cas, il s’agit de G.-M. Moreau (ingénieur de formation, grenoblois passionné d’histoire locale, il a écrit un certain nombre d’ouvrages sur des églises et des figures ecclésiales, il est président de l’Académie delphinale).

Avec franchise et pudeur, Mgr de Kerimel est amené à parler de lui : de son enfance, de sa jeunesse, des premiers ministères, de sa vie spirituelle. Il s’agit bien d’un témoignage qui nous permet de mieux connaître l’homme, son ministère sacerdotal et puis épiscopal. Comme évêque, il a une expérience de plus de 20 ans : de Nice à Grenoble. Si les thématiques abordées concernent principalement Grenoble, elles nous mettent en contact également avec l’Église de France, ses joies et ses peines, son évolution depuis quelques années, les débats de la société et leurs impacts sur l’Église d’aujourd’hui. Il serait heureux que les chrétiens de Grenoble prennent connaissance des réflexions de leur évêque, mais de par les thématiques développées, l’ampleur et les nuances des réponses, le livre s’adresse à tous les chrétiens francophones et aux historiens.

Les entretiens suivent d’abord une ligne chronologique avec 6 chapitres sur l’histoire personnelle de l’évêque. Puis 7 autres chapitres abordent des questions ecclésiales plus larges : le pape et la collégialité ; la liturgie et la réforme de Vatican ii ; les jeunes ; les vocations ; prêtres, diacres et vie consacrée ; la formation du peuple chrétien et de ses futurs prêtres ; les dialogues œcuméniques et interreligieux. Ses propos, comme président de la Commission épiscopale pour la liturgie et la pastorale sacramentelle, sont nets, pleins de bon sens et tournés vers l’avenir (p. 241-280).

Des répétitions sont inévitables, mais elles donnent aussi la mesure des prises de position personnelles et des réalités diocésaines évoquées. L’évêque est souvent à la fois ferme et très nuancé, comme s’il voulait laisser des questions ouvertes pour un avenir que nul ne connaît. Il manifeste parfois les apories et les limites du discours ecclésial lui-même, mais sans ambiguïté sur les données de la foi et des mœurs. Sa parole est pleine d’espérance au sein d’une réalité imparfaite et marquée par de grands défis pour l’Église. Une litanie revient paisiblement ; revenir à l’Évangile, en vivre et évangéliser soi-même sans attendre une situation historique meilleure. Telle est la mission. Tel est le devoir des chrétiens en tout lieu. Telle est la portée de ses encouragements.

N’oublions pas les 120 pages concernant des thèmes de société : les blessures de l’humanité, les familles, les défis de la modernité, les questions sociopolitiques. Le livre se termine par une ouverture plus profonde sur sa vie personnelle et spirituelle. Tout évêque est appelé à être un homme de prière. Ces pages nous le rendent proche, car il se montre simple et en vérité. En annexe nous sont offerts trois de ses discours importants pour la vie de l’Église. Ces textes et prises de parole dont il est fait référence dans l’interview concernent son « discours d’installation, sa déclaration sur l’avortement, le cœur du ministère du prêtre ». Voici donc un livre dont la matière est importante et stimulante pour la vie des chrétiens. Il nous rapproche du « mystère de l’Église ». — A.M.