Fière de sa longue histoire mouvementée et de sa culture originale,
la Sicile tient à conserver la mémoire des hommes importants et des
penseurs qui l'ont marquée. Parmi eux se classe D. Turano qui
devint évêque d'Agrigente. Palermitain, Turano (1814-1885) conquit
un doctorat en théologie. Vicaire à Palerme, il prêcha pendant 27
ans la retraite aux universitaires. Lors de la révolution de 1848,
il fut député peu de temps puis professeur de sciences bibliques à
l'Université en 1850. En 1860, il prit position pour le pouvoir
temporel du Pape et contre l'unité de l'Italie, ce qui entraîna son
départ de l'Université et son assignation à résidence pendant 4
ans. Professeur du séminaire, il discuta trois soirées durant avec
un pasteur vaudois très actif à Palerme et publia ses réponses aux
critiques des vaudois. Nommé évêque d'Agrigente en 1871, il fut si
découragé par l'opposition de l'État et du clergé de cette ville,
qu'il rentra à Palerme après un an. Ses amis l'aidèrent à retourner
dans son diocèse pour réformer le clergé et le séminaire.
Mécontent, un groupe de prêtres passa aux «Vieux catholiques»
opposés à l'infaillibilité pontificale. Malade les deux dernières
années de sa vie, Turano prit un évêque coadjuteur.
On a peu étudié ses idées et son influence sur le renouveau de
l'Église en Sicile, dit M. Naro. Connaissant le français,
l'allemand et l'anglais, Turano fit profiter la Sicile de la pensée
des grands théologiens de son temps et surtout de Möhler et de
Scheeben. Ses fonctions à l'Université et à Palerme l'amenèrent à
diriger bon nombre d'intellectuels chrétiens. Son oeuvre écrite
(controverse, apologétique, théologie, spiritualité) témoigne de sa
culture et de ses efforts pour suivre l'évolution des idées de son
temps. Dans sa doctrine spirituelle, il aime à parler de la divine
métamorphose du vieil homme en homme nouveau sous l'action de
l'Esprit Saint, sur le modèle de la chenille devenant chrysalide et
papillon. Sa spiritualité n'a guère vieilli.
Après 50 pages de biographie, ce volume en présente 190
d'anthologie de ses oeuvres et 12, inédites, de correspondance avec
G. Cusmano, son plus célèbre dirigé (cf. infra). Nous possédons les
titres de bon nombre d'autres oeuvres dont on a perdu la trace. Ses
écrits témoignent d'une belle intelligence et d'une solide
spiritualité. - A. Pighin.