Empty Men. The Heroic Tradition of Ancient Israel

Gr. Mobley
Holy Scripture - reviewer : Jean-Louis Ska s.j.
Parmi les ouvrages tombés dans notre escarcelle, celui-ci est sans doute l'un de ceux que nous avons lu avec le plus de plaisir. Un style enlevé, assez peu conventionnel, quelques idées-forces bien présentées, une érudition solide, mais discrète, tout cela nous donne un livre instructif qui unit l'utile à l'agréable selon l'adage du vieil Horace. La thèse de G. Mobley est simple: derrière la prédication, le moralisme et la théologie des auteurs deutéronomistes, il est possible de retrouver une authentique «tradition héroïque d'Israël». Les canons de cette tradition sont semblables à ceux d'autres cultures: combats singuliers, exécutions rituelles, codes martiaux, justice «poétique» et géographie mythique. G.M. développe sa thèse en sept chapitres inégaux. Les trois premiers chap. posent les fondations de l'ensemble: une brève introduction sur l'histoire deutéronomiste et le but de la présente étude, un second chap. sur la culture héroïque et un troisième sur les conventions héroïques du Proche-Orient ancien (conventions culturelles et littéraires). Les trois chap. suivants sont consacrés aux grandes figures «héroïques» du livre des Juges: Éhud (Jg 3), Gédéon (Jg 6-9) et Samson (Jg 13-16). Le dernier chap., plus général, traite de «l'âge héroïque» et souligne ce qui sépare le livre des Juges de l'époque monarchique. Le règne de Salomon introduit une césure essentielle dans la narration biblique en ce qui concerne la «littérature héroïque». L'ouvrage se termine par une bibliographie, un index des auteurs, un index des citations bibliques et non bibliques et un index thématique. Les premiers chap. utilisent à la fois les textes du Proche-Orient ancien, surtout ceux d'Ugarit, et certaines découvertes archéologiques récentes, entre autres des pointes de flèche portant un nom de personne. Les analyses de textes qui forment la partie la plus importante et la plus intéressante du volume partent en général d'une brève discussion sur la formation littéraire des récits pour offrir ensuite une lecture qui doit beaucoup à la Nouvelle Critique. Il y a donc grande parenté entre cette exégèse et celle d'un R. Alter et cela jusque dans le style. G.M. est attentif aux Leitwörter (c.-à-d. au Leitwortstil), aux structures formelles et aux conventions littéraires. Il accorde aussi beaucoup d'importance à la géographie narrative. Par exemple, les «monolithes» de Jg 3,19.26 délimitent l'espace à l'intérieur duquel Éhud accompli son action héroïque. Pour Gédéon, ce sont les pressoirs qui fournissent les clés de lecture les plus importantes (Jg 6,11; 7,25). Enfin, pour Samson, l'A. en revient à une structure plus traditionnelle puisqu'il y voit un récit centré sur trois figures féminines.
L'ouvrage est certainement captivant, même si tout n'est pas neuf, s'il y a quelques répétitions et quelques longueurs, p. ex. les pages sur les «monolithes» (93-99), et si la recherche d'un passé héroïque trahit un certain esprit romantique apparenté à celui de Wellhausen, de Gunkel ou encore du film Danse avec les loups de Kevin Costner. Il reste aussi quelques questions ouvertes. En particulier, l'emploi de l'adjectif «héroïque» aurait mérité quelques explications supplémentaires. En fait, G.M. reconnaît que les héros bibliques appartiennent à une race particulière. Ce sont, pour employer le terme anglais qui revient assez souvent dans ces pages, des underdogs («perdants», «opprimés»). Il parle même, à propos de Samson, de morally ambiguous antiheroes. Il aurait été utile, à notre avis, de montrer plus clairement que les «héros» bibliques sont en fait des anti-héros et que les récits bibliques renversent complètement les conventions de la littérature héroïque, que ce soit celle du Proche-Orient ancien ou de la Grèce.
Le duel biblique le plus célèbre, celui de David et Goliath (1 S 17), pour ne prendre qu'un seul exemple, est aux antipodes des conventions héroïques classiques. David n'appartient pas à la même classe que Goliath et les combattants n'emploient pas les mêmes armes. G.M. le souligne lui-même en notant avec justesse que David est un na'ar («enfant», «serviteur», «assistant») alors que Goliath est un gibbôr («guerrier», «héros», «notable») (51). Un duel entre David et Goliath est impossible dans l'Iliade tout comme dans l'épopée de Gilgamesh. Il aurait valu la peine de le souligner. Cela veut dire, en fin de compte, qu'il n'existe pas de vraie littérature héroïque en Israël, comme l'avaient déjà noté Ch. Conroy, dans Biblica 61 (1980) 1-30 et S. Talmon dans Proceedings of the Seventh World Congress of Jewish Studies in the Bible and the Ancient Near East (Magnes Press, Jerusalem 1981) 41-61. Les «héros» de la Bible sont plus proches des «héros populaires» tels que Guillaume Tell ou Thyl Uylenspiegel que des héros des épopées classiques. Autre regret: les notes se trouvent à la fin de chaque chapitre. Le livre, pourtant, a été imprimé aux États-Unis, et même à New York. - J.-L. Ska sj

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