«Et le Verbe s'est fait chair». Introduction au Nouveau Testament
Ph. RollandHoly Scripture - reviewer : Jean Radermakers s.j.
L'astuce de cette présentation est de commencer par l'oeuvre de Luc, un païen d'origine semble-t-il; il a recueilli à la fois le message évangélique de ses devanciers et celui de Paul, qu'il propose comme figure emblématique du christianisme naissant à visée universelle. La familiarité remarquable de l'A. avec les écrits du N.T. lui permet de passer de l'un à l'autre écrit avec une parfaite aisance qui met en évidence l'harmonieuse logique de la foi chrétienne et de sa proclamation dès les débuts.De chaque livre ou lettre, il propose un plan structuré permettant d'entrer facilement dans sa compréhension. Il parcourt ainsi les Actes des apôtres, parallèles à l'évangile lucanien, puis les lettres de Paul, avec insertion de celle de Jacques après 1 Co, puis les lettres de Pierre, de Jude et l'épître aux Hébreux, avant d'aborder la formation des évangiles synoptiques et enfin les écrits johanniques. Il montre ainsi comment la réflexion chrétienne s'est développée suivant différents courants de pensée, mais dans une surprenante logique. Quant à l'histoire de la composition des évangiles, il tente de fixer une date précise, tout en tenant compte du flou qui demeure à propos des étapes de leur rédaction, depuis la prédication et les gestes de Jésus jusqu'à leur mise par écrit dans des récits circonstanciés, à travers la proclamation des apôtres et de leurs disciples.
Cette présentation, comme celle des écrits johanniques, reste évidemment sommaire, et l'A. se tient à un niveau pré-critique, se contentant souvent d'approximations et de probabilités, basées toutefois sur des études rigoureuses. Résolument, il refuse d'entrer dans la problématique historico-critique telle que la recherche moderne la déploie, et il prétend, avec la tradition généralement admise naguère, que les textes du N.T. ont été rédigés du vivant des apôtres. Or l'exégèse moderne - contre laquelle il polémique -, ne fait rien d'autre que de tenter d'affiner l'analyse des textes en montrant que la tradition apostolique des débuts se poursuit dans le travail de composition et d'édition des textes. Au fond, ce travail que décrie l'A. manifeste, tout autant que sa propre analyse, l'unité et la cohérence de la foi chrétienne à travers la diversité des tendances et des courants qui se font jour dès le début au sein des communautés issues du judaïsme en Israël et dans les églises pauliniennes ou johanniques en diaspora. Le P. Lagrange continue de nous guider, lui qui a su trouver un chemin critique à travers l'exégèse plurielle de son époque à partir de l'exégèse juive contemporaine des débuts de l'Église. Il peut y avoir des outrances des deux côtés, soit de tendance hypercritique réductionniste et négatrice de la foi, soit de rigidité dans un traditionalisme obstiné; l'histoire de l'exégèse connaît ces mouvements pendulaires qui dénotent les aléas de l'histoire humaine.
On ne peut minimiser la force et la fidélité de la tradition constitutive des textes du NT, même si le travail de leur rédaction fut plus complexe qu'on ne le croit et s'il se prolongea plus longtemps qu'on ne le pense. Il convenait donc d'initier aussi les étudiants et le grand public à ce discernement critique afin qu'ils ne se sentent pas piégés. - J. Radermakers sj