Éthique, coexistence des sens

A. Gomez-Muller
Morality and law - reviewer : Hubert Jacobs
L'A. est professeur de philosophie morale et politique à l'Institut Catholique de Paris. Il s'est déjà fait connaître par plusieurs études dont, notamment, en 1991, Chemins d'Aristote. Dans la préface, Jean Ladrière met bien en lumière le propos du présent volume. À notre époque, la raison cherche à se frayer un chemin entre la rationalité instrumentale, la rationalité opératoire, la rationalité formaliste et procédurale et la rationalité substantive. Celle-ci vise l'idée d'une vie raisonnable. Dans le heurt de ces rationalités, l'A. fait apparaître une conception téléologique qui s'inspire de la dialectique sartrienne axée sur l'idée de totalisation, mais fondée, au contraire de Sartre, sur la reconnaissance de la potentialité inscrite dans la donnée de la quête du sens. À la base de l'éthique, il y a une factualité qui exerce sa contrainte sur la pensée et à laquelle il faut rendre justice.
Cette factualité, à la base de l'éthique, n'est pas autre chose que l'être humain en tant qu'il est donné à lui-même. La capacité de rendre compte de la demande de sens qui est au coeur de l'homme témoigne de l'authenticité de l'interprétation que l'on propose de cette donation à soi qui est notre factualité même. Reconnaître la potentialité de rationalisation qui habite cette factualité, telle est l'intention de l'A. Semblable démarche lui permet de dépasser la conception déontologique de la pluralité des opinions. Celle-ci, en effet, pour reconnaître la demande de sens, immanente à chacun de ces opinions, ne prend cependant pas acte de la potentialité de rationalisation qui les suscite. La pensée moderne de l'agir a, en effet, séparé la question du sens de la question du devoir, mettant en premier la question de la coexistence par rapport à la recherche du sens.
Les déontologistes, héritiers de la tradition libérale, optent pour le primat du problème de la coexistence («morale») sur la question du sens et de la valeur de l'existence («éthique»). Ils limitent ainsi l'universalité aux questions, libérées de toute téléologie, qui sont relatives à la justice des normes de la coexistence des individus et des groupes. La question de la vie bonne n'a plus alors qu'un caractère privé, se ramenant aux conditions de la réalisation de soi (Rawls, Apel, Habermas). La préoccupation de l'A. se présente ainsi comme une courageuse recherche des principes et des règles de la vie morale, susceptibles d'un accord universel. Il ne substitue pas seulement, pour ce faire, une perspective à une autre, qui n'aboutirait qu'à l'absolutisation du vécu subjectif. Il entend, au contraire, relever le défi d'une détermination susceptible d'universalisation en accueillant une rationalité et une méthode dialogiques. Il prend ainsi en compte, de manière non seulement privée mais publique, la recherche du sens de l'existence. Ce n'est pas revenir à la prémodernité, mais réélaborer l'expérience historique qui reconnaît l'autonomie du sujet comme valeur. - H. Jacobs, S.J.

newsletter


the journal


NRT is a quarterly journal published by a group of Theology professors, under the supervision of the Society of Jesus in Brussels.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgium
Tél. +32 (0)2 739 34 80