Les expressions «gloire de Dieu», Ad Maiorem Dei Gloriam (à la plus grande gloire de Dieu) reviennent si souvent sous la plume d'Ignace qu'elles ont fini par caractériser sa spiritualité. On en parle comme d'une chose allant de soi, alors qu'elles recouvrent un éventail de sens dont certains sont à écarter. On a souvent réduit Ignace à un soldat et à un Général religieux volontariste et ce n'est qu'en 1920, avec «les études sur la psychologie des mystiques» du P. J. Maréchal qu'on a remis en valeur l'aspect mystique et contemplatif de sa vie, nous rappelle le P. González de Cardenal dans le prologue.
Le «soli Deo gloria» de Calvin et l'«AMDG» d'Ignace ont parfois fait croire que Dieu cherchait en tout son propre intérêt et appauvrissait ainsi l'homme; alors que Dieu nous a créés pour que nous jouissions de la gloire qu'il nous communique. Dans sa thèse passée à la Grégorienne, l'A. veut montrer la contribution originale d'Ignace à la compréhension théologique du concept de «gloire» en distinguant ses différentes valeurs et en repérant les dangers d'erreurs si on excède dans un sens ou dans l'autre. Ignace est un «théologien total», affirme l'A., dont la vie et l'oeuvre expriment une union à Dieu de type original. Il a montré qu'il n'existe pas de rivalité entre Dieu et l'homme, mais un chemin de plénitude où la recherche de la gloire de Dieu se révèle grâce pour la créature, réalisation de son existence et capacité de se déterminer en vue de la fin pour laquelle elle a été créée.La nouveauté du sens ignatien du mot «gloire» ne devrait rien à sa formation théologique, assure l'A., car tout découle de sa propre expérience et de son désir d'aider son prochain. Ses études théologiques lui ont servi à interpréter la richesse de son inspiration divine d'ordre mystique qu'il a connue à Manrèse et que confirment ses écrits. Si le sens de l'expression a évolué chez lui, c'est pour s'approfondir davantage.
Ce livre aborde l'expérience comme source de la catégorie «gloire», puis l'articulation systématique de l'expression avec les textes pour tirer ensuite le profil théologique du concept afin de répondre à la question: «qu'est-ce que la gloire de Dieu chez Ignace de Loyola ?» La première partie est historique et consulte les sources familiales et culturelles de sa conception de la gloire avant sa conversion et Manrèse. Sa conversion et Manrèse forment le tournant d'une nouvelle conception de la gloire, avec les expériences mystiques qui l'accompagnent. Devant la révélation de la gloire divine, l'homme réagit par l'admiration et le service pour glorifier Dieu. La dimension ascendante de la gloire est la plus présente dans les écrits d'Ignace et il faut en préciser le contenu théologique. On découvre alors deux niveaux de sens: la réalisation concrète de cette glorification ou bien ses dimensions constitutives (louange, service). À travers des fins particulières, notre vie s'oriente librement vers sa fin ultime. C'est là le critère du discernement ignatien. Le magis de l'AMDG est à découvrir dans ce cheminement.
Pour finir, il est impossible d'offrir une définition simple et globale du concept de gloire, qui est un concept dynamique, avec une série de notations qui doivent s'équilibrer et s'harmoniser pour éviter le danger d'erreurs. Pour un homme du XVIe s., l'idéal humain était une gloire humaine toujours plus grande ici-bas. C'est sur ce terreau qu'Ignace a bâti sa « plus grande gloire de Dieu». La grâce a élargi ses horizons en passant de l'imitation du Christ à une identification avec lui. Dans le Christ, Dieu nous offre de partager sa gloire. Tout est don de Dieu interpellant notre réponse libre pour le glorifier en participant à sa gloire.
Ce travail systématique et bien construit éclaire nos idées sur un thème que l'on a faussement l'impression de bien comprendre. Tous ceux qui s'intéressent à saint Ignace et à sa spiritualité auront intérêt à lire cet ouvrage. - B. Clarot sj

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