Spinoza fut le premier à intégrer explicitement la Bible dans sa philosophie, en faisant de Jésus le Summus philosophus. Lessing s'est aligné sur Spinoza. Kant a vu en Jésus «l'idéal moral». Schelling fonde sur la Genèse sa philosophie de l'histoire. Hégel n'aime guère la Bible même s'il construit son système sur le Verbum crucis. Avec son Zarathoustra, Nietzsche se figurait avoir enfin écrit le «nouvel Évangile», tandis que dans son Étoile de la Rédemption, Rosenzweig estimait avoir rédigé «le livre absolu». E. Bloch interprète la Bible en gnostique, à travers Marx et la théosophie. C. Jung est ambigu dans ses commentaires qui mythisent et psychologisent les textes bibliques jusqu'à les rendre méconnaissables.
Chez Lévinas, l'altérité et l'épiphanie du visage ouvrent à la philosophie un espace sur la religion qui est dominée par la Torah (Loi) et ouverte au messianisme. Buber semble proche de Lévinas et tire ses thèmes philosophiques de la Bible et du hassidisme. Depuis Maïmonide (†1204), la pensée hébraïque a commencé à s'émanciper de la lettre biblique. En 1919, M. Cohen ose affirmer que la Révélation hébraïque est constitutive de la raison et fonde L'universel! Ce type de pensée étouffe les velléités de la pensée profane.
Au XXe s., des philosophes hébreux et chrétiens ont relancé l'intérêt philosophique pour la Bible. Lévinas et Ricoeur ont fourni les meilleurs exemples d'intégration de la Bible dans la philosophie. C'est Ricoeur qui a initié le tournant herméneutique de la philosophie en évitant les pièges de la rationalisation. C'est lui aussi qui a le plus inspiré ce livre de Tilliette.
Il est intéressant de voir la variété d'interprétations des grandes scènes bibliques et en particulier celles de la tentation de Jésus ou du sacrifice d'Abraham. Issu d'un cours universitaire, ce volume intéressera le grand public cultivé. - B.C.