Jean-Serge Kinouani, prof. d’AT à l’Inst. de formation pastorale de Ngouédi (Congo Brazzaville) vulgarise ici les résultats de la recherche qu’il a menée, dans le cadre de son doctorat (Univ. protestante d’Afrique centrale, Yaoundé), sur le personnage biblique d’Ismaël (Gn 16,7-16 ; 17,18-21 ; 21,10-21 ; 25,7-18). Avec ses chap. 1 (« La question de la rédaction du Pentateuque ») et 2 (« La tradition d’Ismaël au cours de l’histoire »), l’ancrage historique de l’enquête exégétique est assuré. À partir du chap. 3 – et bien que cet ancrage ne disparaisse jamais tout à fait (pour chaque péricope, étude du contexte historique et de la rédaction) – une plus grande place est accordée à la structure, à l’analyse littéraire et à la signification théologique du texte, selon sa configuration massorétique. Malgré les incontournables tensions présentes dans la Genèse, l’A., au terme de sa recherche, tend à privilégier – comme beaucoup d’autres aujourd’hui – une lecture inclusiviste et irénique (sacerdotale ?), opposée à l’idéologie séparatiste des deutéronomistes : « L’histoire des patriarches est narrée avec beaucoup d’ouverture aux peuples étrangers, la cohabitation pacifique entre les pères fondateurs et leurs voisins est une empreinte caractéristique du livre de la Genèse » (p. 19). Autrement dit, les récits de la Genèse ne chercheraient pas tant à prouver qu’Isaac est le fils de la promesse (lecture influencée par Paul), mais plutôt à confirmer « officiellement le statut d’Ismaël dans la lignée abrahamique » (p. 140). Du coup, selon l’A., Ismaël aussi mérite le statut de « patriarche » et préfigure, en sa personne, le « message néotestamentaire qui fait de tous les croyants des “fils d’Abraham” » (p. 141). Tout en reconnaissant les présupposés louables d’une telle lecture et la capacité de l’Écriture à toujours contester nos interprétations étroites, manichéennes et simplistes, faut-il en arriver à un tel nivellement – à la limite, il n’y a plus d’élu – pour rendre cette Écriture audible ? En attirant notre attention sur le personnage d’Ismaël, l’étude de Kinouani nous oblige, au moins, à ouvrir nos cœurs et à renouveler notre écoute. — D. Luciani