Tout comme le christianisme, le judaïsme contemporain se révèle,
depuis quelques années, être perméable à des courants spirituels
divers qui puisent notamment leurs sources en Extrême-Orient. Que
ce soit en Israël ou en diaspora, ce phénomène a été jusqu'ici peu
étudié. À ma connaissance, en français, il faut surtout se rabattre
sur les travaux de l'anthropologue lyonnais Lionel Obadia, et
notamment sur son livre sur les jubu (Jewish
Buddhist), Shalom Bouddha. Judaïsme et bouddhisme,
une rencontre inattendue (Paris, Berg International,
2015). L'ouvrage de Rachel Werczberger apporte une lumière
supplémentaire sur ces processus d'hybridation en étudiant le cas
de deux communautés qui, en Israël même, ont essayé de renouveler
la tradition juive, notamment dans son versant kabbalistique et
hassidique, par des apports provenant de la culture du New
Age (techniques de méditation, etc.). Le fait que ces
deux communautés - ha-Makom, fondée par Ohad Ezrahi
et implantée dans le désert de Juda, Beit H̲adash,
fondée par Mordekhaï Gafni, installée à Jaffa, actives entre 2000
et 2006 - soient aujourd'hui dissoutes pourrait donner l'impression
d'une simple parenthèse et d'une tentative avortée de promouvoir un
judaïsme mettant davantage l'accent sur l'expérience spirituelle,
moins institutionnel et moins dépendant de
la halakha. Ce serait pourtant se méprendre sur des
évolutions sociales et culturelles plus profondes qui concernent
tout l'Occident, affectent toutes les traditions religieuses et
qui, du côté juif, trouvent leur expression dans des mouvements
américains plus anciens et mieux connus comme le Jewish
Renewal Movement du Rabbi Zalman Schachter-Shalomi
(1924-2014 ; Ezrahi a d'ailleurs été ordonné par ce rabbin).
Dans la mesure où la société israélienne est très dépendante de la
culture américaine, il n'est donc pas surprenant que ce phénomène
touche aussi Israël, même si la position d'un judaïsme majoritaire
y est très différente. Pour preuve que cette évolution inévitable
et cette recomposition du paysage religieux israélien n'est pas un
simple effet de mode, je signale, pour les lecteurs
intéressés, la sortie quasi-simultanée d'un autre ouvrage dont le
titre est sans équivoque : S. Feraro,
J.R. Lewis (éd.), Contemporary Alternative
Spiritualities in Israel (Londres, Palgrave Macmillan,
2017). - D. Luciani