Les évangiles sont-ils antijuifs? À moins que ce ne soient les
lecteurs? Telle est la question que se pose l'A. de cette étude.
Missionnaire d'Afrique, canadien, il fut longtemps professeur
d'Écriture sainte en Ouganda et il enseigne présentement à
l'Atlantic School of Theology de Halifax (Nouvelle Écosse); il
s'est déjà fait connaître par une thèse sur «Les Juifs» dans
l'évangile de Jean (Montréal, Bellarmin, 1997). Dans ce volume, il
reprend la question de manière plus globale à partir de l'évolution
de l'Église face au judaïsme: «de l'enseignement du mépris à celui
de l'estime», pour reprendre l'expression de Jules Isaac. L'A.
situe d'abord son propos dans le cadre de sa réflexion personnelle.
À la lumière de la Shoah, il nous résume alors le tournant pris par
l'Église à Vatican II concernant le judaïsme, avec un bref rappel
des anciennes situations de mépris et d'oppression, puis les
perspectives nouvelles des documents ecclésiaux, souvent restés
lettre morte. Il remonte ensuite aux origines de l'antisémitisme
chrétien: ne daterait-il pas de l'époque de la rédaction des
évangiles? Spécialement l'utilisation que Jean fait de l'expression
«les Juifs» ne fonderait-elle pas le langage de la tradition
chrétienne sur les juifs? Après enquête dans le quatrième évangile
- objet de sa thèse -, il conclut à une double dimension du texte
johannique: l'expression litigieuse doit être comprise à divers
niveaux. Il en reprend la trame narrative pour en montrer la
dynamique propre et signaler les mécompréhensions possibles de la
part du lecteur non critique. D'où l'importance d'un chapitre sur
l'autorité des Écritures et la responsabilité qui incombe au
lecteur de s'approprier le texte en l'interprétant dans son
aujourd'hui. Une fois cette étape parcourue, l'A. se demande
comment apprendre au chrétien cette interprétation responsable.
Examinant le Catéchisme de l'Église catholique à propos du judaïsme
et du peuple juif, l'A. reconnaît un effort d'intégration de la
doctrine de Vatican II, mais aussi de sérieuses déficiences à
propos du rapport entre les deux Testaments et de la permanence
d'Israël, et une lacune importante concernant l'antijudaïsme
ecclésial. Un épilogue un peu bref mais bien enlevé s'applique à la
relecture de Paul en Rm 9 à 11 pour inviter le lecteur à creuser le
texte de l'Apôtre. Des appendices fournissent les documents de
référence: une homélie de l'A. sur Mt 21,33-46, les déclarations de
l'Église (Vatican II en 1966, orientations et suggestions en 1975,
notes sur une présentation correcte du judaïsme en 1985, réflexions
sur la Shoah en 1998, invitation des évêques canadiens en 2000) et
une bibliographie succincte permettant de poursuivre la réflexion.
Un ouvrage bien construit, au ton personnel qui fait entrer le
lecteur dans une démarche exigeante mais bénéfique! Tout chrétien
devrait le consulter pour apprécier dans la vérité l'importance de
ses racines juives et le sens de la pérennité du judaïsme.
Facilement accessible, ce livre se recommande par sa lisibilité. -
J. Radermakers, S.J.