L'appel des « demi-chrétiens » à la « vie angélique ». Jean Chrysostome prédicateur: entre idéal monastique et réalité mondaine

L. Brottier
Theology - reviewer : Paul Lebeau s.j.
C'est avec un respect croissant qu'on progresse dans la lecture de cet imposant volume, «aboutissement, comme nous le confie l'A., (et on l'en croit volontiers) d'une vingtaine d'années de lectures, de traductions, de réflexions, où la démarche d'approche s'est doublée de plus en plus d'un travail de mise à distance, semblable au recul devant un tableau». En parcourant ces pages où les commentaires sont intimement associés aux citations, on réalise que Jean Chrysostome est à la fois très célèbre et mal connu, même si on connaît quelques textes majeurs.
L'ensemble de ceux que nous propose l'A. nous offre, sans doute pour la première fois, une lecture cohérente d'une aventure spirituelle et pastorale. Elle met bien en lumière deux notions complémentaires qui traversent l'ensemble de l'oeuvre: celle de «demi-chrétiens», expression dont Jean qualifie ses auditeurs mal christianisés, et celle de «vie angélique», qui signifie pour le pasteur non seulement la vie monastique, selon sa désignation habituelle à l'époque, mais la perfection unique à laquelle est appelé tout chrétien. L'A. analyse aussi, sur la base de multiples citations, souvent précisées par leur formulation grecque, le paradoxe du discours sacerdotal de Chrysostome, dont elle relève des analogies chez Bossuet: «la force de la dépossession». Un autre aspect du contexte culturel de l'époque est l'inculture scripturaire de ses auditeurs, dont il se plaint à de nombreuses reprises - et qui oblige souvent le prédicateur à allonger le discours. «Certains ne savent même pas, déclare-t-il, que les Écritures existent!».Aussi se sent-il contraint de déployer les ressources de la rhétorique pour transposer l'univers biblique en images hellénistiques. C'était là la seule manière de rendre le message évangélique accessible à certains auditoires. Un autre aspect, moins connu, de son ministère, est le fait qu'il avait fréquemment affaire, non seulement à des hellénophones, mais aussi à des paysans de langue syriaque et à des Goths qui ne comprenaient pas le grec. Cette catéchèse des non-hellénophones semble bien avoir été pour lui une préoccupation permanente, bien qu'il ne fût pas pour autant capable de tenir un discours en syriaque. Il semble que, face à ce problème, la solution choisie par Jean était d'avoir à ses côtés un interprète. Solution qui, estime l'A., s'inscrit dans une pratique culturelle en voie de généralisation dans l'Église comme dans l'administration impériale à l'époque de Jean Chrysostome. On l'aura compris: ce livre constitue une initiation, probablement sans précédent, à l'un des plus grands écrivains de langue grecque et des maîtres spirituels les plus rayonnants de l'Orient chrétien. - P. Lebeau sj

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