Le P. Henri Denis enseignait la théologie au Séminaire de Lyon
depuis dix ans lorsqu'il fut choisi pour accompagner son évêque, le
Cardinal Gerlier, au Concile Vatican II. Au cours de la 2e session,
il participa au travail de la commission conciliaire du clergé qui
fut à l'origine du décret sur les prêtres, Presbyterorum ordinis,
lequel renouvela considérablement la théologie du prêtre, jusque-là
trop réduite à sa fonction relative au sacré. Dans ce livre axé sur
l'avenir, l'A. s'explique avec profondeur et simplicité sur ce qui,
dit-il, le pousse ainsi à écrire «une dernière fois». Sa réflexion
ou, plutôt, sa proposition, s'articule en deux interrogations
fondamentales: 1. «Où va la foi chrétienne (je ne dis pas la
religion)? Sera-t-elle encore crédible demain?» 2. Quelle sera la
figure de l'Église de l'avenir? Cette seconde question, il l'aborde
sous l'angle, qu'il estime déterminant, de la figure du prêtre de
l'avenir: «homme du sacré», ou «presbytre - serviteur de la
communion» - figure qu'il estime plus conforme au Nouveau
Testament, et dont 35 ans de pratique au Groupe des Dombes lui ont
révélé l'importance oecuménique. Il serait difficile, dans les
limites qui nous sont imparties, d'évoquer et moins encore de
rendre justice aux diagnostics culturels comme aux questions
pertinentes et aux pénétrantes suggestions que formule l'A., en se
référant aux apports les plus féconds de ses immenses lectures.
Courons le risque d'être incomplet tout en encourageant le lecteur
à ne rien négliger de ce qui nous paraît essentiel. Cet énoncé, par
exemple, de trois critères de crédibilité pour la foi chrétienne
aujourd'hui: 1. «Pas de foi croyable sans espace de crédibilité»,
sans un «lieu» d'écoute favorable et de crédibilité possible - ce
qui définit l'importance capitale d'une liturgie «capable
d'engendrer son propre environnement ». 2. «Une capacité
humanisable», «excluant toute proposition de la foi qui semblerait
déshumaniser l'homme, en écrasant la liberté du sujet». 3. Une
transcendance désirable comme altérité, qui puisse «rejoindre en
l'homme son ouverture supposée ou désirée à la transcendance». En
ce qui concerne le langage sur Dieu, «on n'aura jamais fini,
déclare l'A., de scruter, après le Père Varillon, Sylvie Germain et
bien d'autres», le Mystère de la «vulnérabilité de Dieu». Il évoque
à cet égard des passages du Journal d'Etty Hillesum, cette jeune
femme d'origine juive morte à Auschwitz en 1943, «que je considère
volontiers, dit-il, comme la plus grande sainte du XXe siècle».
C'est, ajoute-t-il, «l'inversion du langage habituel sur Dieu: un
Dieu qui peut tout et à qui nous demandons tout. Et voici que,
soudain, ce Dieu se trouve démuni, vulnérable. Etty va l'aider, en
faisant tout ce qu'elle peut pour que sa mémoire ne s'éteigne pas
en nous et dans le monde» (p. 57). «Il me semble, ajoute l'A.,
qu'un tel renversement peut « changer la donne » de notre
vie spirituelle et éventuellement toucher un agnostique… C'est la
fin d'un Dieu de « commerce » (tu me donnes, je te donne)
et l'aube d'un Dieu de présence, plus précieuse que toutes les
présences ». Il ajoute - et nous ne pouvons que lui donner raison:
«On mesure alors la profondeur de la théologie négative, dite
encore apophatique (dont témoignent de grands mystiques d'Orient et
d'Occident), laquelle n'a jamais été reniée par la tradition
chrétienne. Et l'on est en droit de se demander si un certain
« agnosticisme » n'est pas une donnée essentielle de la
foi, dans la mesure précisément où celle-ci doit refuser de
s'emparer de Dieu et encore davantage du Dieu qui s'est fait
proche» (p. 59). L'A. note d'ailleurs à juste titre que certains
hymnes de la liturgie des Heures ont fait droit à une telle
expression de la prière chrétienne: Ô Toi, l'au-delà de tout…; Dieu
au-delà de tout créé, nous ne pouvons que t'appeler
l'Inconnaissable… La seconde partie de l'ouvrage est, nous l'avons
dit, consacrée à l'avenir du prêtre. C'est elle qui suscitera sans
doute le plus de mouvements «en sens divers». Il y propose en
substance «d'entrer dans une relecture du Concile de Trente, pour
comprendre à la fois nos difficultés à son sujet et l'intention
profonde du texte». À notre connaissance, une telle relecture
critique n'avait pas encore été faite avec une telle précision.
Elle mérite, de ce fait, l'attention de tous ceux qui - évêques,
théologiens, prêtres et laïcs engagés - s'interrogent sur la crise
actuelle du sacerdoce ordonné. - P. Lebeau, S.J.