Approche critique, parce que Del Noce montre le caractère problématique de la pensée moderne et ne voit de salut que dans un retour à la métaphysique classique et à ses thèses. À propos des valeurs, il fait valoir l'impasse où échoue une certaine contestation; c'est la crise de la critique de la permanence des valeurs. L'époque '68 avait paru donner corps à une contestation rafraîchie, voulant dépasser la déshumanisation d'une société fondée sur le bien-être. Mais au fond, elle en est le pur produit: la société du bien-être triomphe de la révolution en l'obligeant à se couler dans la forme du négativisme. En philosophe historiographe, pourrait-on dire, l'A. restitue la genèse de l'époque de l'après-guerre, celle qui a vu se dessiner peu à peu le clivage entre tradition et innovation, avec sa traduction en milieu chrétien d'un engouement progressiste et ses théologiens «etsi Deus non daretur». A l'analyse, ce progressisme aboutit à l'athéisme en forme a-religieuse.
Qu'on ne voit pas en cet essai une opposition à une civilisation devenue technologique. Ce n'est pas le progrès scientifique qui est en cause mais bien plutôt son substrat idéologique qui en fait un nouvel avatar de l'hérésie millénariste. Ni non plus une position purement «traditionaliste» visant à la restauration d'une époque révolue. Recourant à la pensée de Simone Weil, Del Noce pointe une substitution de la vie à la vérité comme pente fatale. Pensée qui ne manque pas de vigueur et de mordant et qui n'est pas dupe des mécanismes d'évitement du point critique. Mais on aurait souhaité une élaboration plus systématique de la notion-clé de sécularisation, ainsi que de la réponse à lui apporter. - H. Thomas, O.S.B.