La communion eucharistique dans le «Héraut de l'amour divin» de sainte Gertrude d'Helfta. Situation, acteurs et mise en scène de la «divina pietas»

O. Quenardel
Spiritualiy - reviewer : R. Nirel
Au XIIIe siècle, dans le monastère d'Helfta en Saxe, vécurent quatre religieuses remarquables: deux Gertrude et deux Mechtilde, alors qu'en Belgique se trouvaient trois autres femmes éminentes, Julienne de Cornillon, Ève de Liège et Isabelle de Huy, toutes les sept ayant exercé une influence considérable pour l'Eucharistie, dans un siècle où l'on communiait si peu qu'il fallut exiger de tout chrétien le minimum d'une communion annuelle.
Dans le monastère bénédictin d'Helfta, fondé en 1258 pour les filles nobles, Gertrude (1256-1301) entra très jeune pour son éducation et y demeura comme religieuse. Très douée, elle se complut en elle-même jusqu'à ses 25 ans, où Jésus lui apparut pour l'appeler à la conversion et à l'amour. Convertie, elle devint, par ses admirables écrits théologiques et spirituels, Gertrude la Grande. Deux de ses oeuvres nous sont parvenues: les Exercices spirituels et le Héraut de l'amour divin. Ce dernier ouvrage répondait à un désir exprès de Jésus, mais, pour des raisons de santé, Gertrude n'en rédigea que la première des cinq parties, tout en dirigeant la composition du reste par ses confidentes. Il ne fallut pas moins de vingt années pour achever ce travail, qui occupe aujourd'hui quatre volumes des Sources chrétiennes.
Dom O. Quenardel étudie cet ouvrage pour y découvrir les secrets de l'amour-pietas et sa source dans la communion sacramentelle avec ses harmoniques théologales, pastorales et affectives. Dans ce travail, le cistercien s'aide des sciences humaines, se référant en particulier au sociologue américain Irving Goffman (1922-1982), qui s'est intéressé à «la mise en scène de la vie quotidienne» et à l'«interaction face à face», c'est-à-dire à l'influence réciproque de deux partenaires en présence physique immédiate - découvrant que tout partenaire essaie de sauver sa face en sauvant la face des autres, sous peine de perdre la sienne. De là les codes rituels des groupes, des sociétés, qui sont des règles de tact et de savoir-vivre, ce à quoi O.Q. ajoute l'échange. Appliquées au Héraut de l'amour, ces règles mettent en évidence la situation de la divina pietas.
Trois éléments se dégagent de cette étude. 1) Tout d'abord, Gertrude rend attentif aux harmoniques ecclésiales de l'union personnelle au Christ eucharistique (ceci est sans équivalent à cette époque, même chez saint Thomas, et est absent également du décret de Pie X sur la communion fréquente). 2) Pour Gertrude, la pietas est divine: «elle est l'amour de Dieu en ce qu'il a de plus substantiel et de plus fort» avec son débordement de tendresse. 3) Enfin, l'eucharistie est présentée comme source et sommet de toute évangélisation.
Le livre compte quatre annexes d'ordre surtout linguistique, ainsi qu'une bibliographie. Dans sa préface, le professeur De Clerck note que les dialogues de Gertrude sont dignes du Cantique des cantiques et peuvent revivifier notre piété eucharistique. Il est heureux que l'on redécouvre de grands spirituels et surtout des femmes du Moyen Âge. - R. Nirel.

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