La Pensée et la Guerre, éd. augmentée et commentée par les enseignants de l'École de guerre

Jean Guitton
Philosophy - reviewer : Jean Burton s.j.
« Un texte classique, indisponible depuis près de 20 ans, pour comprendre la guerre et la stratégie militaire », rappelle l'annonce de cet ouvrage. La déclaration de Guitton (1901-1999) est claire : « L'art de faire la guerre est une technique qui malgré le mal de la mort qu'il manie, vise un bien : préserver une nation de cet échec radical que serait la perte de son indépendance. » La première conférence publiée date de 1940, les autres, de 1952 et des années suivantes. L'A. « propose une méthode de pensée synthétique pour comprendre la guerre ». Certes, on admettra que « si la métaphysique est la part la plus haute de la pensée, c'est la stratégie qui lui correspond dans le domaine de l'agir ». Il faut donc penser le rapport entre le sujet et l'objet, entre la pensée et l'action. Sans entrer dans une analyse détaillée du propos de Guitton, étudiant la logique de la stratégie d'une armée en guerre, il reste que l'« objet » qui a pour nom « guerre » demande, en aval de la justification éthique de celle-ci, l'étude de la stratégie qui programme son recours. Cela pose d'autres questions. Il y a, certes, des « imprévus » qui précipitent l'action « programmée » que la stratégie n'avait pas, par définition, intégrés dans sa technique (comme l'orage subit à Waterloo, qui noya le terrain où s'embourbèrent l'artillerie et la troupe de Napoléon, définitivement vaincu). Chaque conférence est précédée d'une présentation militaire spécialisée. On interrogera ainsi successivement : Hitler, la révolution et la guerre ; l'art de penser et la con - duite de la guerre ; la pensée et la guerre chez Foch ; la pensée hégélienne et la conduite de la guerre ; philosophie de la dissuasion et ère nucléaire. Le tout est encore complété par des « Extraits d'une lettre du Général Weygand à Jean Guitton sur la probabilité à la guerre », et encore d'une note sur « les aspects de la stratégie navale comparée à la stratégie terrestre ». On voit, dans ces cas évoqués, l'importance des paramètres de temps et d'espace qui interviennent dans la pensée de la stratégie et l'action réelle forcément risquée.
Pour qui connaîtrait un peu l'« art » de défaire l'ennemi, cette réflexion sur la stratégie de l'action belliqueuse qui défie le sort des armes sera passionnée, étant donné la finesse de l'étude de ce qui prépare une décision, évalue le moment d'agir, mais aussi désigne la mise en action de cette décision, soutient sa mise à l'épreuve de la réalité, etc. S'y joignent, en dose variable, l'intuition et l'analyse, le risque et la surprise, la diversion nécessaire… La pensée guerrière sera-t-elle syllogistique ? Les prémices, postulées ou calculées, réalistes ou aventureuses, héroïques ou désespérées… ? Un champ de bataille, dans son espace et son temps, n'est-il pas le lieu d'un discernement, d'un courage, de l'audace ? Bref, de la pensée à l'action. Cela est peut-être vrai, aussi, de toute bonne décision humaine. Pour celle-ci, la fin doit être donnée et reconnue comme désirable. Mémoire, intelligence, volonté ne sont-elles pas ce dont la « pensée » dispose librement pour la joie de leur accomplissement et ainsi préserver notre liberté de ce qui serait « la perte de son indépendance » ? Ignace ne parle-t-il pas de l'adversaire comme d'un chef de guerre qui repère, en malin stratège, la faille de notre forteresse ? Il y a des « règles » à suivre. - J. Burton s.j.

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