La perfidie de l'histoire. La Shoah et l'avenir de l'Amérique, tr. Gh. Chaufour, précédé de « Nouvelle réflexion sur l'enfer » de W. Styron

R.L. Rubinstein
History - reviewer : Paul Detienne s.j.
L'édition originale du présent ouvrage remonte à 1975. Pour l'A., théologien juif américain, la violence bureaucratisée du vingtième siècle, dans toutes ses formes, est l'expression même de la civilisation occidentale contemporaine, et non une rébellion contre elle. L'Holocauste n'est pas dû à une résurgence de croyances païennes; il est le fruit des orientations politiques, morales, religieuses et démographiques de la civilisation judéo-chrétienne, protestante et sécularisée… une civilisation qui portait déjà la responsabilité tant du sort des esclaves noirs en Amérique et des ouvriers forçats en Angleterre que des hécatombes à Verdun et sur la Somme, formes inconscientes d'une extermination de masse exécutée par les gouvernements des victimes. L'A. ajoute que le refus des Alliés d'accueillir les personnes dénationalisées suite à la division de l'Europe centrale et orientale aussi bien que leur refus de bombarder la voie ferrée menant à Auschwitz montrent leur complicité dans le projet d'extermination: face à un excédent de population, la solution finale leur convenait autant qu'aux Allemands. Ce n'est pas par l'utilisation d'armes nouvelles que l'extermination tant des juifs et des gitans que des prisonniers russes et polonais a été rendue possible, c'est par l'institution bureaucratique d'une société de domination totale, qui heureusement n'avait pas accès à l'informatique: dépouillés de toute protection légale, les apatrides se situaient en deçà du droit, leur extermination ne violait aucune loi… sinon une loi naturelle ou divine, problématique, et qui de toute façon est privée de sanctions. Haro donc sur cette bureaucratie, face sombre de la religion, puissante au point d'obtenir la collaboration du peuple juif à sa propre destruction, ses dirigeants s'étant accrochés à l'illusion que leur coopération leur assurerait la survie. L'ouvrage se termine par une postface, rédigée pour la présente édition française par l'A., aujourd'hui octogénaire. Il étend sa réflexion au péril que, selon lui, constitue présentement l'islam, religion conquérante en recherche de domination planétaire. Son pronostic est sombre: la troisième invasion islamique pourra durer des dizaines d'années, l'Occident n'en sortira pas victorieux. - P. Detienne sj

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