Mais le but essentiel de la prédication demeure pastoral. L'oeuvre des religieux mendiants rejoint ici celle des prédicateurs hétérodoxes qui, en dépit de la clandestinité dans laquelle ils opèrent souvent, touche tant à la didactique qu'à la spiritualité (J. Duvernoy, p. 111-124). Certains sermons de saint Bonaventure témoignent de son activité dans le Midi, où il fait figure de prédicateur occasionnel (J. Paul, p. 127-157). La plupart du temps, il s'adresse à des spécialistes de la parole, franciscains ou dominicains, qui n'ont nul besoin d'être convertis. Son propos est en général hautement spirituel. En revanche, la prédication du dominicain Robert d'Uzès apparaît beaucoup plus en phase avec la problématique sociale et religieuse locale (P. Amargier, p. 159-170). Sa violence de ton et son caractère spectaculaire inquiètent d'ailleurs ses contemporains et cache parfois la riche personnalité mystique de son auteur.Les prédicateurs médiévaux recourent volontiers aux exemples, qui traduisent souvent des faits réels parvenus à leur connaissance. C'est le cas de ce franciscain anonyme du XIIIe siècle, auteur d'un recueil d'exempla conservé à Paris (M.-A. Polo de Beaulieu, p. 195-223). De son côté, Armand de Belvézer emprunte à la vie de saint Thomas d'Aquin quelques histoires propres à édifier son public (B. Lavène, p. 171-194). Cette technique frappe d'autant plus le peuple quand elle fait référence à des événements qui lui sont proches dans le temps et dans l'espace. Ainsi en témoigne l'oeuvre d'un Sachet provençal par ailleurs témoin oculaire de certains faits qu'il relate (I. Rava-Cordier, p. 225-248).
L'essor de la prédication au XIIIe siècle en fait bientôt un des piliers de la pastorale médiévale. Les statuts synodaux et les canons des conciles font de cette forme d'instruction religieuse une obligation pour tout clerc à l'égard des populations (J. Longère, p. 251-274). Les universités méridionales y accordent aussi une grande importance et multiplient pour leurs étudiants les occasions de sermons édifiants (J. Verger, p. 275-293). Au XIVe siècle, les papes d'Avignon y consacrent d'ailleurs une vive attention, n'hésitant pas à monter en chaire en personne (B. Guillemain, p. 295-312). De même cet abbé de Joncels, Jean de Jean, qui se fit connaître par les sermons qu'il prêchait volontiers au peuple des alentours et dont il eut soin de conserver la trâce dans un volumineux recueil (H. Gilles, p. 313-333). Mais ce sont sans doute les villes qui sont le théâtre de l'activité principale des prédicateurs à la fin du moyen âge. Le cas de Montpellier illustre bien la place des religieux mendiants dans la formation et le rôle des édiles communaux dans l'organisation de cette prédication publique, propre à former tant le sentiment religieux que l'esprit civique du peuple (J.-A. Dérens, p. 335-362).
Dans l'ensemble, ce bel ouvrage de plus de trois cent pages offre un recueil à la fois riche et dense d'études de fort bonne tenue qui témoignent de la grande diversité de la prédication méridionale entre XIIe et XVe siècle. Il s'agit là d'une heureuse initiative qui donne au chercheur, à l'étudiant et au professeur, d'intéressants exemples de l'art du sermon et de sa pertinence pastorale au coeur du moyen âge. - Ph. Annaert.