Historien des institutions et des idées politiques, l'A. étudie ici
l'originalité de l'oeuvre de S. Benoît (480-547) dans le domaine du
droit et de la justice. La Règle bénédictine, nous apprend-il, a
laissé son empreinte dans les institutions contemporaines; traité
aujourd'hui comme une science exclusivement rationnelle, le droit
n'a pas évacué le sacré… un sacré qui certes a changé d'origine, de
nature et de forme mais qui, dans la recherche de l'universel, est
partout présent. L'A. étudie d'abord ce qui, dans la Règle,
concerne le temps: organisation du temps (opus spirituale
et opus laboris), division des saisons et des heures;
infractions au temps et sanctions. Il se penche ensuite sur le rôle
de l'Abbé, législateur et père spirituel: «il s'impose comme la
forme d'une loi vivante». L'autorité juridictionnelle abbatiale
s'inscrit dans un rapport interpersonnel. Elle conditionne la
nature et les formes de la procédure. La fonction de l'Abbé,
vicaire du Christ dans son abbaye, est de servir, non de régir et
de punir. La Règle écarte tout lien immédiat entre la culpabilité
et la sanction. Benoît prête une attention particulière à
l'intention coupable: la personne prévaut sur le texte. C'est la
nature du délinquant qui requiert le traitement pénal, et non pas
la nature de la faute qui entraîne le châtiment. La culpabilité est
conçue comme une spiritualisation de la responsabilité pénale, non
seulement individuelle mais communautaire. Fin pédagogue, Benoît
amène le délinquant à s'avouer coupable devant la communauté
(emendatio) et à manifester des sentiments non de remords
(tournés vers le passé) mais de vrai repentir (tourné vers le
futur). La peine est médicinale: elle est un moyen social de
réintégration du criminel dans la communauté. - P. Detienne sj