La vérité captive. De la philosophie. Système nouveau de la philosophie et de son histoire passée, présente et à venir

M. Caron
Philosophy - reviewer : Simon Decloux s.j.
Ces plus de 1100 pages comprennent une Préface de 287 pages puis, divisé en 5 chapitres, le tome premier du «Système de l'éternité, du Christ et du temps», intitulé «La Vérité captive» et qui se développe dans le reste de ce volume. En fait le texte complet énonce «La Vérité captive. Nostalgie de l'outre-modernité»; il comprend 5 chapitres, entrecoupés d'un «intermède introductif» après le premier chapitre, et est clôturé par un intermède conclusif «fin de captivité» qui ouvre à un nouveau commencement: «Aller au Principe».De quelle captivité s'agit-il dans ce livre, et de quel «Principe»? La captivité est celle de la vérité dont Maxence Caron situe la destinée de clôture et d'enfermement dans l'événement de 1277, où l'évêque de Paris, Mgr Étienne Tempier, prenant conscience de la «pauvreté de concepts trop usés» (p. 142), défendit aux maîtres de la Faculté des Arts d'enseigner «aucune matière relative à la théologie», là où il s'agit de «la Vérité même» (ibid.). La scolastique se jugea ainsi elle-même comme un langage devenu trop creux pour être appliqué à la Vérité. Ainsi se développa la «philosophie séparée». Mais, remarque Maxence Caron, voilà que la philosophie séparée emprisonna la vérité, comme la chose se vérifie dans notre «outre-modernité» et chez les penseurs qui préparèrent les «temps nouveaux». Aujourd'hui, c'est chez Lévinas, Derrida et Marion que notre auteur décèle l'oubli de la Transcendance (rendant du même coup la «Vérité captive»). Comme le fit Platon en son temps, lorsqu'il renonça à parler de l'«epekeina tês ousias» (l'au-delà de l'essence), ils reconnaissent une donation sans donateur, un appel à la responsabilité éthique sans que soit reconnu Celui dont vient l'appel; ils s'arrêtent à l'être dans ses effets, sans jamais s'arrêter au Principe. Car, comme l'exprime Caron dans son vocabulaire, l'ouverture à la Transcendance a laissé la place à un «transcendantement» qui se meut vers les étants sans jamais rejoindre le Principe. C'est la «différence ontologique» entre les étants et un être toujours en quelque sorte effacé qui prend ainsi la place de la Différence fondamentale renvoyant au Principe. La question qu'il faudrait reprendre, mais qui s'efface sans cesse, est inscrite dans l'oubli de l'être en tant qu'être, de l'origine et du principe auxquels renvoie la Différence fondamentale.Ce principe rejoint l'homme dans son désir d'absolu. Mais Maxence Caron souligne le refus qui habite la pensée contemporaine de penser en son origine l'acte de penser, de s'ouvrir au Transcendant, à la Différence fondamentale, à la Trinité, parce qu'elle s'enferme dans l'immanentisme. C'est ce que notre auteur vérifie, dans des démarches différentes, chez Hölderlin et Hegel, chez Mallarmé et Heidegger. Chez Hölderlin, il souligne l'incapacité à se décider définitivement en faveur de la Transcendance; Hegel, lui, fait de l'absolu un vide formel, cherchant à se remplir de ce qu'il n'est pas; Mallarmé refuse en toute liberté le transcendant que cependant il perçoit; et Heidegger remplace la Différence fondamentale par une abstraite «différence ontologique». Qu'ajouter encore? Que le texte philosophique laisse parfois ici la place à l'écho d'une langue poétique, habitée elle-même par l'absolu. Mais aussi que la forme parfois dédaigneuse et «supérieure» utilisée pour écarter les philosophes jugés inconséquents, risque d'affaiblir l'argumentation plutôt que de la renforcer. Dans une position assez semblable et ayant à faire face à rude partie, un autre «philosophe chrétien», sensiblement de même âge, au tournant des 19ème - 20ème siècles, Maurice Blondel, manifestait, en même temps qu'une pensée inaltérable, le respect humble de ceux qui, souvent, le défigurèrent. Je suis peut-être guidé par mon âge, mais je crois utile et approprié de conseiller à Maxence Caron, dont j'apprécie hautement la vigueur de la pensée, un ton peut-être moins agressif quoique convaincu. - S. Decloux sj

newsletter


the journal


NRT is a quarterly journal published by a group of Theology professors, under the supervision of the Society of Jesus in Brussels.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgium
Tél. +32 (0)2 739 34 80