C'est à cet exercice qu'elle s'essaie dans ce livre, fruit de réflexion personnelle et tentative d'entrer dans une compréhension plus profonde du Coran. Trois parties composent son étude. La première examine «l'ambiguïté du Coran», dont Dieu seul connaît l'interprétation. Partant du voile, elle dégage la polysémie des termes utilisés par le Livre sacré par rapport à la condition féminine et elle conclut à un triple manque: sémantique, pragmatique et ontologique. Forte d'un outil langagier, elle se lance à la recherche du «sens perdu du Coran» en observant l'absence de locuteur et de la dimension d'histoire, d'autant que la législation qui en découle est toute humaine. Comment dès lors rejoindre l'intention divine et son message? Comment découvrir que «le désir de vérité qui meut l'homme en recherche est le cheminement qui lui révèle la vérité de son désir» (p. 110)?
Un troisième pas est franchi lorsqu'elle découvre que les lectures du Coran sont celles du désir. Elle élabore ainsi une lecture coranique de la femme en dehors des vues traditionnelles. Revenant sur ses interrogations, elle propose une anthropologie des sexes qui reconnaît leur différence. Ensuite, elle dégage le sens de la mort et de la peur qu'elle suscite, et esquisse le sens d'une résurrection. Elle discerne enfin la vérité du désir tel qu'il se donne dans le renoncement, avec le discernement des illusions et de l'idolâtrie inconsciente pour parvenir à la foi véritable. Sa finale est un hymne à la miséricorde divine, objet de la 1re sourate (la fatiha): «la création de l'homme, sujet désirant répond dans son origine à un désir de Dieu, de son désir du désir de l'autre» (p. 186).
Un livre attachant, on le voit, qui rejoint par moments l'expérience des soufis. Un livre surprenant qui montre la liberté intellectuelle d'une musulmane réfléchissant en profondeur. Un livre impressionnant qui nous rend l'islam intérieur fort proche de notre foi chrétienne et de notre confiance en l'homme, créature de Dieu. - J. Radermakers sj