Bien et mal ne se contredisent pas l'un à l'autre. Paradoxalement, «le bien, qui donne à tout ce qui est sa valeur, sa signification et sa beauté, appelle le mal comme la condition de son être même» (p. 31). La liberté porte en elle l'exigence du bien, mais en éveillant par le fait même la possibilité de faire le mal. La douleur n'est-elle pas ambivalente? «Le propre de la liberté, c'est de donner un sens à tout ce qu'elle touche, et qui peut devenir la condition de son exercice et le moyen de son ascension» (p. 34). Ne voit-on pas par exemple qu'un homme bon «souffre de la douleur d'autrui, et… cherche de toutes ses forces à la soulager» (p. 33)? Dans la communion, le mal se transforme en bien. Bien et mal ne se séparent donc pas clairement. L'exigence de la justice naît précisément lorsqu'éclate le scandale de la «non-coïncidence du bonheur et du bien, du mal et de la souffrance» (p. 38). Les méchants ne sont pas les plus malheureux des hommes! Ce scandale invite la liberté à opter, à s'arracher au non-sens qui la pénètre, à se détacher aussi d'elle-même car elle est ambiguë: «nous demandons à pouvoir faire le mal; il n'y a pour nous de bien possible qu'à ce prix» (p. 48), déclare l'A., fidèle au paradoxe de l'existence humaine. La conscience connaît alors «le désarroi et l'angoisse» (p. 53); elle a à prendre la responsabilité de ce qu'elle doit faire, «et déjà cet acte nous juge» (p. 54).
Voilà donc un texte tonique qui, très marqué par l'idéalisme de l'A., oriente ses lecteurs sur la voie de la patience dans l'être rompu, au gré de la grâce d'autrui et de Dieu. - P. Gilbert, S.J.