L'ouvrage de cette laïque consacrée de la communauté du Chemin
Neuf, actuellement enseignante au Centre Sèvres (Fac. jésuites de
Paris), est issu de la thèse qu'elle a soutenue, en 2013, à la Fac.
de philosophie de l'Inst. cath. de Paris. Il s'attache à élaborer
l'un des concepts les plus centraux et les plusoriginaux de
l'assistante de Husserl : le « noyau de l'âme ». En
effet, cette notion traverse toute l'oeuvre et en assure l'unité
d'inspiration. Pour le montrer, l'A. se penche successivement sur
les trois périodes de son activité philosophique, proprement
phénoménologique, ontologique et mystique, chacune étant rythmée
par une trilogie d'ouvrages. Dans la première période, le noyau de
l'âme est interprété phénoménologiquement : elle renvoie à une
transcendance irréductible à la conscience, « la structure
unitaire totale de la personne humaine » (p. 187). En
s'ouvrant à la métaphysique sans jamais abandonner l'approche
phénoménologique, la thèse du noyau personnel permet à Edith Stein
de fonder la singularité humaine, en opposition avec le principe
aristotélico-thomiste de l'individuation par la matière (p. 361s).
Enfin, si elle reconfigure le noyau de l'âme, l'expérience mystique
l'accomplit. En effet, celle-ci est nuit obscure qui ouvre à
l'union intime avec Dieu ; ainsi, la vacuité de
l'épochè se trouve comme transfigurée dans la loi
kénotique du « se perdre pour se trouver » (p. 427s).
Ce n'est pas l'un des moindres mérites de ce travail remarquable
par la largeur de son information, la connaissance intime des
enjeux de la phénoménologie, la clarté de son écriture et la
fermeté de son argumentation, que de montrer la constante fidélité
de la convertie à la phénoménologie. Et ainsi de souligner cette
incompréhensible tache aveugle de la phénoménologie
française : son ignorance du travail d'Edith Stein et, plus
généralement, des membres du Cercle de Göttingen : Adolf
Reinach, Roman Ingarden, Hedwig Conrad-Martius, etc. Tout en
demeurant phénoménologues, ils se sont inscrits dans le sillage
des Recherches logiques, et font partie de ce que
l'on appelle parfois la « phénoménologie réaliste » (p.
10). - P. Ide