Le passeur de Gethsémani. Angoisse, souffrance et mort. Lecture existentielle et phénoménologique
Emmanuel FalquePhilosophy - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Pourquoi «finir» nous fait-il peur? Expérience métaphysique de l'absurde, qui renvoie au total engagement du Fils à l'extrême de la finitude humaine, dans un «mourir avec» et «mourir pour» autrui. La tentation du désespoir nous saisit, l'angoisse du péché nous accule au non-sens, ou à la suspension du sens, que Jésus assume dans son chemin vers la mort. Hegel, Kierkegaard, Heidegger, Sartre ou Camus se trouvent ici confondus. Comment le Christ a-t-il vécu sa mort? Karl Barth parle d'une «déprise de soi»: l'effroi de Jésus à Gethsémani souligne le triple échec de la résignation, de la certitude et de l'héroïsme; il conduit à l'abandon de soi à la toute-puissante impuissance du Père. La mort en tant qu'elle est mienne représente «une possibilité authentique d'exister comme pouvoir-être total» (p. 103) dans le don libre de sa vie, le refus décisif de la maîtrise dans l'acte filial par excellence. En s'enfonçant dans la chair, en s'enfouissant dans la terre, le Verbe de Dieu se dessaisit de soi pour passer au Père: signe de l'altérité du Père dans le Fils et de la fraternité des hommes en lui. Souffrir rend muet ou fait crier, car il requiert tout le corps: le charpentier de Nazareth est cloué en sa chair au bois de la croix. Il se livre en abandonnant notre chair fragile et silencieuse à la puissance de la résurrection, chemin de vie.
Cette admirable méditation philosophique où Karl Barth, E. Lévinas, H. Urs von Balthasar, mais aussi les Pères de l'Église et tant d'autres viennent au rendez-vous, fortifie notre foi tout en nous rendant plus vulnérables et plus capables de confiance. Nous en remercions l'A., même s'il faut parfois s'accrocher et relire plusieurs fois son texte. - J. Radermakers, S.J.