L'histoire de la culture et l'histoire de la pensée chrétienne permettent de marquer de nouvelles étapes ans l'élaboration de l'anthropologie chrétienne. Réflexions sur la personne, sur la nature humaine, sur l'âme. Ces étapes font apparaître comment un «distinguer» qui divorce de l'«unir» s'enlise soit dans un anti-intellectualisme soit dans le rationalisme. En fonction de la problématique de l'ouvrage, les investigations de la psychanalyse méritent un chapitre particulier (chap. 4). Dans ce cadre, la doctrine freudienne est revisitée et l'A. indique qu'elle ne peut pas rendre compte de toute la profondeur spirituelle de la personne. La perspective de Jung serait-elle plus satisfaisante?
À l'inverse de ce qui a lieu chez Freud, n'avons-nous pas à faire à une sacralisation de la vie psychique? À une réduction de la vie religieuse à l'inconscient archaïque et collectif? Quant à la position de V. Frankl et son «Dieu inconscient», on peut se demander si elle n'est pas trop vite assumée? L'affirmation de V.F.: «l'être authentique de l'homme ne commence que là où cesse la pulsion», ne risque-t-elle pas de couper l'humain de ses forces pulsionnelles? On ne devrait pas oublier non plus la célèbre phrase de Freud: «Wo Es war, soll Ich werden». Il nous paraît aussi que le P.B-D prend trop la psychanalyse sous l'angle du discours et pas assez comme expérience…Qu'est-ce que le «Je»? Sur cette question, l'A. nous offre une vision anthropologique équilibrée en déployant les diverses dimensions constitutives de la personnalité chrétienne, de son mystère et des médiations qui assurent son identité. En poursuivant son objectif, le P. Biju-Duval propose une théologie de la guérison intérieure. C'est donc une réflexion anthropologique de fond que nous livre l'A. A une époque où l'amalgame du psychique, du religieux et du spirituel est très courant, les distinctions ici mises en relief prennent tout leur sens et leur pertinence. Et l'on saura gré au P. Biju-Duval de s'être consacré à ce travail.
Cet ouvrage de style réflexif et discursif paraît plutôt réservé à un public universitaire. On peut d'ailleurs se demander si une préoccupation trop «intellectualiste» ne risque pas de passer partiellement en marge de l'expérience tant psychique que spirituelle. Non qu'il s'agisse de s'en tenir au «vécu» mais de venir au lieu où se fait la naissance de l'homme qui est hors de sa maîtrise. - H. Thomas, O.S.B.