Le titre de ce recueil est accrocheur. Il profite du nuage
sulfureux de l'Évangile de Judas, dans lequel un Christ gnostique
se prend à moquer ses disciples. Seul le premier de ces huit
essais, publiés entre 1993 et 2005, concerne cette question: l'A. y
fait le parallèle entre la figure d'Isaac et celle de Jésus dans
les christologies docètes. Dans la diversité des thèmes étudiés, on
retiendra l'important article sur les racines chrétiennes de
l'antisémitisme (écrit en 1995). Faisant le bilan des théories
contemporaines, l'A. discerne deux approches dans la recherche
actuelle: pour certains (M. Simon en est le chef de file),
l'antijudaïsme des chrétiens provient du contexte social dans
lequel Juifs et chrétiens se livraient dans les premiers siècles à
une vive concurrence. Pour d'autres (notamment Ruether, Gaston,
Efroymson, Taylor), la «théorie du conflit» ne rend pas compte de
l'autodéfinition culturelle des chrétiens de l'antiquité: leur
antijudaïsme serait intrinsèque au discours chrétien rejetant
«explicitement toute notion de tradition culturelle ou ethnique»
(p. 168). L'A. propose une troisième voie, celle de
«l'intertextualité», à partir des études de G. Ladner.
L'interprétation chrétienne de l'Ancien Testament fait du refus
juif du Nouveau Testament l'obstacle majeur à la proclamation
universelle de la vérité. Avec la disparition du paganisme, au IVe
siècle, on assisterait dès lors à une diabolisation - au sens le
plus littéral du mot, en référence à Jn 8,44: vous êtes les fils du
diable - des Juifs. Le langage des Pères constituerait bien le
terreau de l'antisémitisme racial européen. Dans ce panorama, on
regrettera que ne soient pas davantage pris en compte le discours
augustinien sur le peuple «témoin de la vérité», ainsi que les
doctrines radicalement antisémites des courants gnostiques et
manichéens. Le christianisme marcionite n'est certes pas celui de
l'Église des Pères. - A.Ms.