Les cheveux du Nazir. De Samson à Jacques, frères de Jésus

Christophe Lemardelé
Holy Scripture - reviewer : Didier Luciani

Même si rien ne l'indique, cet ouvrage de C. Lemardelé est, en fait, une reprise simplifiée et remaniée de sa thèse de doctorat dirigée par Hedwige Rouillard-Bonraisin et défendue à l'EPHE (Paris) en 2007. Le titre originel en était : Êtrenazir : du guerrier yahwiste au voeu cultuel du judaïsme ancien. Origine et transformation d'un rite de cheveux. La thèse de l'A. est donc déjà connue : dans la Bible, il y a nazir (Nb 6) et nazir (Jg 13-16). Et si dans les deux cas, il est question de cheveux, le rite votif de Nb 6, récent, ne doit pas être - contrairement à l'interprétation courante et sous peine d'anachronisme - confondu ou assimilé au mythe de Samson, bien plus ancien. « Le mieux connu est le voeu prononcé en vue d'un bienfait divin qui fut élaboré à partir de matériaux anciens (les interdits) par une élite sacerdotale à l'époque perse. Ce voeu fut pratiqué sans évolution décelable à l'époque hellénistique et à l'époque romaine. L'autre nazir est bien plus difficile à déterminer. Les textes bibliques le mentionnant ont été pour la plupart retravaillés (outre Jg 13-16, l'A. étudie les premiers chapitres de 1 S concernant Saül, Gn 49, Dt 33, Am 2, Jr 7 et Lm 4 et il prolonge avec le voeu de Paul [Ac 18 ; 21], Jésus, Jean-Baptise et Jacques), perdant ainsi quelque peu sa signification. C'est l'aspect le plus étonnant du sujet puisqu'il nous fait remonter aux époques les plus anciennes du « yahwisme » des « Israélites ». Avant de ne devenir qu'une survivance au sein des appareils étatiques progressivement mis en place dans le royaume du nord puis dans celui du sud, il fut sans doute un rite de jeunes hommes sous l'égide d'un dieu guerrier (Yahweh) » (Revue de l'histoire des religions 224, 2007, p. 275). Comme ce résumé le laisse entendre, la perspective est clairement historique, ce qui est tout à fait légitime et idoine concernant une recherche sur l'histoire et l'émergence d'un rite. Par contre, elle s'affiche aussi résolument anti-narratologique, ce qui n'ajoute rien à la démonstration. Est-il, p. ex., nécessaire d'affirmer : « la narratologie n'est guère légitime lorsqu'elle force cette cohérence [du texte] dans un récit afin de conclure à un auteur unique » (p. 22) ? La narratologie a-t-elle pour fonction de se prononcer sur la question de l'A. ? De même, à propos de Samson, est-il judicieux de régler la question des présupposés de lecture de façon si cavalière : « L'important n'est donc pas tant d'aborder ce récit en fonction de sa forme finale et de sa place dans un livre biblique, ce qui n'amène à énoncer que des banalités au sujet de l'aspect grotesque du personnage et de l'ironie de l'histoire, mais de voir en lui un mythe ou un récit historique qui évolua en mythe étiologique puis en conte pour finir par être l'histoire d'un juge dans un livre se situant dans l'historiographie construite d'Israël » (p. 52) ? Je gage que la plupart des narratologues ne se retrouveront pas dans ces propos : à chacun sa grâce et à chacun ses compétences. N'ayant pas celle de l'historien, je ne me permettrai pas de discuter les nombreuses hypothèses émises. Je signale seulement au lecteur que, même dans sa version révisée, le parcours parfois très technique et les théories de l'A. exigent une attention soutenue. De ce point de vue, l'ouvrage - me semble-t-il - aurait mieux trouvé sa place dans la coll. Lectio divina. - D. Luciani

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