Les larmes, la nourriture, le silence. Essai de spiritualité cartusienne, sources et continuité, préf. P. Card. Poupard
N. NabertSpiritualiy - reviewer : G. Navez s.j.
Trois points sont surtout soulignés par l'A.: 1) le don des larmes. Si important au Moyen Âge pour imprégner en profondeur toute la sensibilité, en vue d'une purification qui dispose à l'illumination et ouvre finalement à la voie unitive. Larmes de honte, de contrition, de componction (cette contemplation qui approfondit le repentir et guérit acédie, tristesse et tentations), larmes de conversion, de reconnaissance et de désir de Dieu. 2) La nourriture spirituelle des Écritures et la lectio divina sont liées à l'eucharistie: habiter la Parole de Dieu lue, murmurée, chantée, mâchée par la méditation. Simplifiée par la contemplation selon les sens spirituels - prière continue et spontanée comme la respiration - «Qui mange ma chair vivra par Moi». Manger le Verbe, communier à l'humanité du Christ dépouillée, nue, miséricordieuse, accepter de devenir des serviteurs souffrants assis à la table des pécheurs.
3) Le silence: le triple isolement du désert, de la clôture et de la solitude. Radicalement coupé du tumulte du monde, du confort, du décor, le chartreux s'adonne à l'obéissance dans un rude combat spirituel: la conversion du coeur est dans cette unification à la beauté vierge et sans apprêts trompeurs, seule capable de signifier l'essence ineffable de Dieu. Autour de la psalmodie régulière et même nocturne s'organise la journée pour une louange commune. Repas, chapitres, promenade, bibliothèque prolongent le recueillement; même le travail manuel est un service, permet de gagner son pain, assume la petitesse et la servitude de la condition humaine sans rien perdre de l'union intérieure ni surtout de la scriptio divina, art méticuleux du copiste des Écritures et des Pères de l'Église. Le silence n'est jamais vide ou néant, mais plénitude féconde et art d'écouter et de se laisser modeler par Dieu à sa ressemblance. - G. Navez, S.J.