Les études se multiplient sur les personnes, les milieux ou les
réseaux qui jouèrent un rôle dans la transmission, entre Orient et
Occident, des savoirs, des valeurs et des représentations. Voici,
du 17e au 20e siècle, huit études sur des «passeurs» ou médiateurs
entre Inde et Europe (ou Europe et Inde). Thomas Beaufils examine
les contributions de missionnaires et savants hollandais, domaine
peu connu dans le monde francophone; il présente notamment les
remarquables enquêtes et publications de deux pasteurs calvinistes
du 17e siècle, Abraham Rogerius et Philippe Baldaeus. Claudine Le
Blanc évoque des pionniers de la fin du 18e siècle, notamment le
colonel Polier et sa cousine, naguère réhabilités par Dumézil.
Christine Maillard situe dans leur contexte les élucubrations
d'Othmar Frank, un représentant bavarois catholique de l'«indomanie
romantique». Yves-Jean Harder analyse «la vérité de la religion de
l'Inde», à savoir le moment que, selon Hegel, elle représente dans
le déploiement historique de l'Esprit. Françoise Bonardel repère,
de Creuzer et Schlegel ou Schelling à Max Müller et Sylvain Lévi,
les «enjeux religieux et culturels d'une controverse ambiguë»
autour du monothéisme biblique et d'un «polythéisme hindou» passé
par le filtre du romantisme. Aurélie Choné tente un bilan de la
pensée de Keyserling, soulignant les limites de sa connaissance et
de sa perception de l'Inde, notamment dans son Journal de voyage
d'un philosophe. François Chenet évoque «l'Inde au miroir de
l'oeuvre de Jean Biès»: celui-ci, d'abord auteur d'une étude sur
Littérature française et Pensée hindoue, publia par la suite un
journal de voyage et des essais spirituels fortement marqués par
Guénon et Jung. Enfin, Michel Deneken fait revivre, à partir
d'extraits de la correspondance, la figure d'Henri Le Saux (Swâmi
Abhishiktânanda): entre christianisme et hindouisme, un «passeur au
risque de se perdre». - J. Scheuer sj