Qui connaît encore ce poète merveilleusement attachant que fut et
demeure Pierre Emmanuel (pseudonyme de Noël Mathieu). Il s'engagea
dans la Résistance pendant la guerre, puis fut journaliste à
Témoignage chrétien, Réforme, et à la revue Esprit, avant de
travailler au Congrès pour la liberté de la culture et de présider
l'Institut national de l'audiovisuel (ina); l'Académie française le
compta parmi ses membres dès 1968. Il mourut le 22 septembre
1984.Cet homme courageux sur le plan des idées et de l'action était
surtout un poète hors du commun. En des chants souvent inspirés de
la Bible et de l'Évangile, il exprime une quête lancinante du
transcendant, de Dieu incarné, vivant, ressuscité au coeur des
hommes et des femmes d'aujourd'hui. Ce qui l'habite et le
tourmente, c'est proprement la recherche que Dieu fait de l'homme:
il l'expérimente au plus intime de son être; il l'exprime dans un
style fort, abrupt, décapant, pénétrant comme une dague dans la
chair.Voici qu'à la suite d'Évelyne Frank qui lui a consacré une
remarquable thèse La naissance du Oui dans l'oeuvre de Pierre
Emmanuel (cf. NRT 123 [2001] 373-382), Anne Simonnet, professeur de
lettres à Béziers, auteure d'une thèse littéraire et de plusieurs
articles sur son poète de prédilection, publie ce remarquable
volume qui fera heureusement connaître ce poète à tous ceux qui ne
l'ont pas encore ouvert. Elle y montre avec tact et compétence
comment il est vraiment «poète du Samedi saint», épousant avec le
Christ la souffrance humaine tout en vivant déjà l'espérance de la
résurrection, mais dans la pénombre d'une attente déchirée. En
trois chapitres denses, suggestifs, avec de généreux extraits du
poète, elle brosse de lui un portrait d'une grande vérité.Merci
pour cette évocation attachante qui casse pour nous l'écorce
rugueuse de la langue de Pierre Emmanuel pour nous faire accéder au
noyau de sa poésie fragile comme une prière, crépitante comme un
feu surgissant d'une cendre incandescente. Cette poésie du Samedi
saint suscitera chez de nombreux lecteurs, nous l'espérons, un
désir de mieux connaître son auteur, qui écrivait dans son livre
intitulé Évangéliaire: «Si tu ne fais qu'un avec l'Un qui t'aime,
ton père c'est toi». - J. Radermakers sj