Préfaces aux livres de la Bible, textes latins des éd. de R. Weber et R. Gryson revus et corrigés, intr., trad. et notes A. Canellis (dir.)

Jérôme (Saint)
History of thought - reviewer : Didier Luciani
Les hasards de la production éditoriale font qu'à quelques mois d'intervalle paraissent deux ouvrages, aux titres proches et au contenu partiellement comparable. Bien que venant onze siècles après le traducteur de Bethléem, Luther, comme son illustre prédécesseur, ne s'est pas contenté de traduire la Bible, mais il a accompagné sa traduction en allemand de préfaces, s'inscrivant ainsi dans une tradition occidentale séculaire, initiée par Jérôme et prolongée par une remarquable postérité. La différence entre les deux auteurs apparaîtra toutefois assez vite. Alors que les préfaces de Jérôme comportent une dimension apologétique et polémique assez forte pour défendre, contre ses adversaires, la légitimité de son retour audacieux et novateur à l'Hebraica veritas, celles de Luther, pour des raisons aisément compréhensibles, sont dépourvues d'une telle charge et se caractérisent plutôt par une attention renforcée vis-à-vis du lecteur et par la volonté de dégager le sens et la portée théologique des différents livres bibliques. La simple comparaison des deux prologues au livre de Job suffira à illustrer ce fait. Jérôme : « Je suis contraint, pour chaque livre de la divine écriture, de répondre aux médisances d'adversaires qui accusent ma traduction d'être une critique des Soixante-dix traducteurs (…). Quant à la présente traduction, elle ne suit aucun traducteur parmi les anciens, mais elle a rendu à partir de la langue hébraïque elle-même (…) tantôt les mots, tantôt les sens, tantôt les deux à la fois. En effet, le livre tout entier est tenu pour tortueux et insaisissable même chez les Hébreux (…). Je me souviens que, pour comprendre ce rouleau, j'ai rémunéré en échange d'une somme non négligeable, certain maître de Lydda qui, chez les Hébreux, avait la réputation d'être de premier plan (…). Que mes chiens entendent donc que j'ai peiné sur ce rouleau non pour critiquer l'ancienne traduction, mais pour que les obscurités qui s'y trouvent, les omissions ou du moins les corruptions dues à la faute des copistes soient mises en évidence par notre traduction, nous qui à la fois avons quelque peu appris la langue hébraïque et qui, quasiment depuis le berceau, nous sommes frottés au latin au contact des grammairiens, des rhéteurs et des philosophes ! » (p. 392-403). Luther : « Le livre de Job traite de la question suivante : le malheur est-il envoyé par Dieu même aux justes ? Sur ce point, Job tient ferme et il est d'avis que Dieu fait souffrir même les justes sans raison, pour sa seule gloire (…). C'est contre cette idée que se dressent ses amis, et ils se répandent en grands et longs bavardages. Ils veulent rendre cette justice à Dieu qu'il ne punit aucun juste (…). Ce livre conduit donc finalement cette histoire à la conclusion suivante : Dieu seul est juste, et pourtant, si un homme est juste envers les autres, il l'est aussi aux yeux de Dieu. Cependant, c'est pour notre réconfort qu'il est écrit que Dieu laisse ainsi ses grands saints trébucher, en particulier dans l'adversité (…). Cela, le comprennent seuls ceux qui expérimentent et ressentent ce que c'est que subir la colère et le jugement de Dieu et éprouver que sa grâce est cachée » (p. 39-40). Même dans sa brève préface aux évangiles (p. 470-481), Jérôme ne traite que de questions de choix de manuscrits, d'erreurs de traductions, de proximité et de discordance textuelles et de listes canoniques, alors que Luther introduit séparément chacun des livres du Nouveau Testament en valorisant leurs rapports avec l'Ancien (p. 193-272). Quoi qu'il en soit, les deux ouvrages trop brièvement présentés ici constituent, avec leurs notes, leurs introductions et leurs apparats critiques (particulièrement impressionnant pour le volume des Sources chrétiennes) un irremplaçable témoignage d'une part, sur l'histoire de la Bible latine et d'autre part, sur la pensée du Réformateur. - D. Luciani

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