« Prends l’enfant et sa mère. » Le récit de l’enfance de Jésus chez Matthieu (1–2)

Milad El Jawich
Holy Scripture - reviewer : Boris Paschke

En Mt 2, les mages offrent, entre autres, de l’or au nouveau-né Jésus. On pourrait dire que ce précieux cadeau est de nouveau offert au lecteur à travers ce livre qui est une véritable mine d’or pour tous ceux cherchant à mieux comprendre les chapitres Mt 1-2. Ayant fini ses études doctorales en exégèse néotestamentaire à l’UCLouvain (Louvain-la-Neuve) en 2015, le moine libanais Milad El Jawich a commencé à étudier comme nouveau projet de recherche le récit de l’enfance dans l’Évangile de Matthieu (Mt 1-2). Les résultats se trouvent dans l’ouvrage ici recensé.

Il se compose d’une introduction, de quatorze chapitres ainsi que d’une récapitulation. De plus, on peut diviser le livre en deux grandes parties dont la première (p. 21-147) se focalise sur la généalogie de Jésus (Mt 1,1-17) et dont la deuxième (p. 149-301) étudie le récit de l’enfance de Jésus proprement dit (Mt 1,18–2,23).

En ce qui concerne la méthodologie, l’A. opte pour l’approche narrative (p. 16-18). Mais sur cette base exégétique, il nous présente aussi, dans les chapitres VI, VII, X et XIV, une « lecture spirituelle » (p. 19). L’A. y invite à une lecture lente » et « en silence » (p. 8). S’adressant à son lecteur, il souligne que « ce livre n’est autre que le compagnon de son pèlerinage à Bethléem pour son enfant miraculeux » (p. 16). D’où son conseil : « Je vous prie (…) de ne pas lire ces pages en une seule fois, mais par étapes » (p. 7).

En tant que coffre au trésor, le livre est rempli de découvertes exégétiques précieuses et parfois novatrices. Voici deux exemples : selon l’A., en insérant la négation oudamōs /« nullement » (Mt 2,6), les scribes ont « falsifié » la prophétie vétérotestamentaire de Mi 5,1 (p. 216-219). D’autre part, suivant l’exégèse de Jean Chrysostome (Commentaire sur l’évangile de saint Matthieu, homélie VI), l’A. parle d’un astre descendant en Mt 2,9 (p. 224).

Cependant, je ne peux pas suivre l’A. dans son interprétation inédite de l’expression neutre to gennēthen /« ce qui fut engendré » en Mt 1,20. L’A. y découvre « un être asexué. Il n’est ni “enfant” ni “fils”. Son genre est neutre, tout comme celui de l’Esprit Saint qui l’a conçu (pneuma en grec est neutre) » (p. 168). Puis, à propos du verset suivant, l’A. poursuit : « C’est alors, au moment de la naissance, que “l’engendré” neutre et asexué, deviendra “un fils” (huios), ayant un nom comme les autres fils » (p. 169). L’A. constate : « Parmi les diverses lectures que nous avons faites, nous n’avons trouvé aucun exégète qui ait mis le doigt sur cette évolution de l’identité de Jésus, d’un engendré neutre à un fils » (p. 169). L’A. ne tarde pas à répéter son hypothèse d’une « non-sexualité » (p. 168) initiale de Jésus (voir p. 182, 190, 196, 228, 305). Selon moi, cette hypothèse n’est pas convaincante puisque le récit matthéen lui-même la contredit : premièrement, le titre en Mt 1,1 démontre que dès le début, l’engendré porte un nom et titre masculin (Jésus-Christ). Deuxièmement, en Mt 2,2, les mages parlent de « son étoile » (autou ho astēr). Or autou se réfère au « roi » (basileus), ce pronom possessif est masculin. Apparemment, cette masculinité était déjà présente avant la naissance de Jésus quand les mages avaient vu l’étoile chez eux en Orient. D’autre part, dans l’Antiquité, il était tout à fait possible de se référer à un(e) nouveau-né(e) avec le grec neutre (voir Hérodote I, 108).

En dehors de quelques tableaux mal placés (p. 91, 104-105, 216), le livre est soigneusement édité. En conformité avec son prénom – le mot arabe milād signifiant « naissance », « Noël » –, l’A. nous a fait ce beau cadeau d’un livre qui nous aide nous aussi à réaliser le commandement divin exprimé en Mt 2,13 : « “Prends l’enfant et sa mère” est (…) un ordre que l’ange adresse aussi au lecteur pour comprendre Jésus d’une manière nouvelle » (p. 261). — B. Paschke

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