Quand Jésus parle au masculin-féminin. Étude contextuelle et exégétique d'une forme littéraire originale

D. Fricker
Holy Scripture - reviewer : Jean Radermakers s.j.
À part les quelques fermes mais sobres prises de position de Jésus sur le mariage et le divorce, les évangiles nous offrent peu de déclarations concernant les comportements mutuels de l'homme et de la femme. Pour saisir la pensée de Jésus, il est bon d'étudier la manière dont il parle au masculin-féminin sur fond d'anthropologie juive palestinienne de l'époque. C'est cette question qu'affronte l'A. de cette thèse de doctorat soutenue en décembre 2002 à la faculté de théologie catholique de Strasbourg sous la direction du Pr J. Schlosser. Question d'interprétation contextuelle traitée de façon tout ensemble large et fondamentale; fondamentale parce qu'elle recherche les soubassements d'une forme littéraire typique, large parce qu'elle étend son enquête sur l'ensemble des évangiles synoptiques et des Actes en remontant au plus près des traditions primitives sur Jésus.
Le projet est élaboré de façon judicieuse et cohérente. Trois parties divisent la thèse. La première se propose de délimiter les «paires mêlées» dans les évangiles, là où Jésus met en parallèle la femme et l'homme. Un bref état de la question précède une confrontation avec les réalités palestiniennes de l'époque: les images suggérées, les activités liées à la société agraire, avec ses aspects économiques et symboliques. Une deuxième partie s'attache à dégager une forme littéraire appelée «paire mixte» à partir du parallélisme synonymique ou antithétique propre à la poésie hébraïque. Comment Jésus s'exprime-t-il dans cette forme à la lumière de l'AT: raccommodage, outres et vin, sénevé et levain, travaux des champs et textile, nature et vie sociale? À quels modèles rhétoriques fait-il appel et à quelle fonction répond la parabole dans ce contexte? Référence est faite au parallélisme lucanien, né sans doute en contexte païen. La troisième partie est davantage pratique: une étude exégétique de trois paires mixtes tirées de la source Q: «Jonas et la reine du midi» (11,31-32) aboutissant à un jugement sur «cette génération»; l'action féminine de repriser (tissu) et masculin de transvaser le vin (Mc 2,21-22 par.); les travaux des champs et de laine (9,12-22 et par. syn.). Cette analyse lui permet de remonter au Jésus de l'histoire et de découvrir comment il parle du Royaume de Dieu à partir d'un genre littéraire déjà élaboré dans le langage de l'époque, qui prend une triple dimension: critique de l'ordre social, description de l'agir de Dieu et ouverture à l'universel.
Relativisation des tâches propres à l'homme et à la femme par rapport au Règne de Dieu. L'A. distingue alors Mt, plus proche de l'original, Lc moins fidèle formellement mais plus fécond dans l'utilisation du modèle, avec accent sur la différence sexuelle. L'exégète trouvera dans cette belle étude de quoi stimuler sa réflexion sur les textes et sur l'herméneutique contextuelle qu'il utilise. Nous savons gré à l'A. de nous aider à décloisonner notre exégèse des textes et à nous «donner à penser» à partir de leur fonction littéraire. - J. Radermakers sj

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