Qumrân et les Esséniens. L'éclatement d'un dogme, préf. Mgr J. Doré

André Paul
Holy Scripture - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Ce modeste volume, hautement intéressant pour les chercheurs et sans doute inattendu pour les habitués, se propose de faire le point au sujet des «documents de la mer Morte» qui ont tant défrayé la chronique au milieu du siècle passé. Le P. de Vaux avait mis la main sur de précieux manuscrits cachés dans des grottes autour des ruines d'un établissement d'époque gréco-romaine qu'on prenait pour le «couvent» d'une secte d'Esséniens, hommes pieux en rupture avec le milieu sacerdotal de Jérusalem. On pensait avoir trouvé le trait d'union entre le judaïsme et le christianisme… Soixante ans après, ce scénario semble-t-il pend de l'aile, alors que les fragments de près de 900 manuscrits témoignent de la richesse de la bibliothèque mise à l'abri en ces lieux.
L'A., qui avait écrit en 1997 Les manuscrits de la mer Morte (Bayard 1997) en sous-titrant «La voix des Esséniens retrouvés», écrivait aussi La Bible avant la Bible (Cerf, 2005) ou «La grande révélation des manuscrits de la mer Morte». Dans son nouveau livre, il retrace en bref l'histoire de ces découvertes. Spécialiste chevronné des fouilles et des manuscrits de Qumrân, il parle aujourd'hui du déchiffrement, de la publication et de la conservation de tous ces textes, avant de mettre en doute la présence des Esséniens sur le site. Il montre que les manuscrits exhumés révèlent les germes d'une gnose pré-chrétienne, qui se poursuivra jusque dans les documents de Nag-Hammadi, et même les amorces de la tradition rabbinique; Jésus et Paul ne sont pas étrangers à tout cela. Pour achever de détruire «le dogme essénien», l'A. nous emmène parmi les Thérapeutes d'Égypte dont parle Philon, qui représenteraient une élite juive visant une existence humaine idéale. Ne s'agirait-il pas, à Qumrân d'un centre culturel pour Juifs lettrés tentés par l'ascétisme du désert et s'y adonnant à des échanges studieux? Hypothèse émise désormais, loin de tout esprit «sectaire» et dégagée d'une communauté religieuse instituée: l'imagination est une qualité de l'archéologue et de l'historien! En contrepoint on pourrait lire: E.-M. Laperrousaz, édit., Qoumrân et les Manuscrits de la mer Morte (Cerf, 1997) et J. Magness, Que sait-on de Qumrân? (Bayard, 2003).
Ainsi ces vestiges d'une histoire mal connue ramènent à présent la polémique autour des «manuscrits de la mer Morte» et reposent la question des origines chrétiennes. Remercions A. Paul de livrer au grand public le résultat de recherches demeurées longtemps un secret de chercheurs. Merci de nous présenter avec clarté et précision l'histoire réajustée de la «bibliothèque culturelle» de Qumrân et d'évoquer les influences qui ont filtré dans les premières communautés apostoliques. - J. Radermakers sj

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