A. Nichols (Oxford et Cambridge) propose ces trois conférences données à la Conférence australienne du Clergé catholique (Melbourne, 1993) comme «une contribution modeste au débat sur l'opportunité d'une 'réforme de la réforme' ouvert par le Cardinal Ratzinger à la suite d'un mécontentement largement exprimé dans le catholicisme d'aujourd'hui à propos de l'actuelle vie liturgique de l'Église de rite latin» (p. 18).
Les conditions culturelles ne sont peut-être «pas encore réunies pour permettre l'élaboration d'une liturgie renouvelée» (Avant-Propos de Solari, p. 12), mais le monde francophone lui-même commence (Lacoste, Chrétien, Gardeil) à développer une timide réflexion sur le «symbole qui jaillit à la croisée du visible et de l'invisible pour ramener l'homme et avec lui toute la création à son Dieu et Créateur» (Solari, p. 12 et 13). Cette intelligence de la liturgie chrétienne comme adoration du Père et renovatio mundi commande les orientations d'un ouvrage qui entend ne pas laisser la source vive et le sommet de la vie de l'Église aux seuls «liturgistes» professionnels.
L'enquête historique (p. 19-54) ample et précise rappelle avec Trapp (p. 23) l'importante préhistoire (Aufklärung et romantisme) du mouvement liturgique du XXe siècle (Malines, 1909, selon Botte, p. 20; Marialaach, 1914, selon Winzen, p. 22). Malgré Andrieu (p. 45), Casel (p. 29,52,88) et Guardini (p. 50, 88), la militance discrète et tenace de quelques-uns (v. g. Bugnini, p. 85), fut avalisée par le Saint-Siège. Cette «révolution de techniciens» (p. 53) était plus inspirée par la pédagogie des Lumières, du goût d'une antiquité presque utopique et de certaines expériences localisées que du développement vivant d'une liturgie trouvant dans le mystère sacrificiel qu'elle célèbre les ressources symboliques susceptibles de rassembler, pacifier et unir à Dieu les communautés de fidèles.
L'importance du rituel (p. 55-94) a été négligée dans la séparation d'avec la liturgie traditionnelle «non par une erreur de doctrine, mais un défaut de sagesse humaine» (p. 55). Or les notions de simplicité (p. 65), d'intelligibilité (p. 68), de communauté (p. 69), «d'agencement liturgique» (p. 70) et de participation (p. 70), dite vivante parce que parfois plus activiste qu'active (p. 72), apparaissent aux socio-anthropologues de la fin du XXe siècle comme étroitement conditionnés par le «fonctionnalisme structural» (p. 83) d'un monde individualisé et déshiérarchisé (p. 81) où la doxologie, la purification et l'apophatisme (p. 92), le silence et l'effacement de la personne du célébrant ne reçoivent pas leur place.
Le langage du culte (p. 95-123), conceptuel, gestuel, musical, iconographique ou architectural a été trop souvent désacralisé au risque de ne plus pouvoir «transmettre le sens de la transcendance» (p. 98) et du sacrifice (p. 105). Le débat entre le célébrant versus apsidem ou versus populum est ici éclairé par l'archéologie (Dura Europos, p. 99) et l'histoire (p. 99-104). Une évaluation critique des traductions liturgique en usage (p. 107-112) manifeste les enjeux d'un langage et d'une musique qui instrumentalisent la célébration pour l'«expérience» d'une communauté donnée, dans l'oubli de la plénitude de sens de la liturgie chrétienne et de la «nature théotropique» (p. 123) de l'homme.
La conclusion pratique (p. 125-133) demande de permettre de laisser le missel de 1962 se développer normalement selon les règles de révision traditionnelles et de donner au missel de 1969 le statut de ritus communis en raison de ses nombreux «éléments d'origine orientale», de sa valeur oecuménique et de sa puissance d'inspiration pour de «nouvelles familles rituelles dans… l'Église universelle» («Inde») (p. 131).
Ce livre informé, réfléchi, ouvert, est le «fruit d'une expérience personnelle en Angleterre, dans les pays anglo-saxons ainsi qu'en France» (Solari, p. 12). Sa lecture aisée s'impose aux pasteurs et aux théologiens aux prises avec les conséquences de la plus spectaculaire des réformes liturgiques de l'Église. - A. Chapelle, S.J.

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