Jean de Bernières est né à Caen en 1602. Il meurt en 1659.
Trésorier de France, il fut un membre actif de la Compagnie du
Saint-Sacrement. Il créa en 1645 l'Ermitage, lieu de grande ferveur
spirituelle où les « Solitaires », laïcs célibataires ou
mariés, se livraient de nombreuses heures à l'oraison et aux
activités charitables. Bernières lui-même s'occupa intensément des
pauvres, prit en charge la direction de nombreuses personnes et
entretint avec elles une abondante correspondance. Selon J.-M.
Gourvil, l'Ermitage se situait sans doute plutôt dans la lignée des
béguinages flamands que dans celle des oeuvres de la période
moderne. Bernières consacra surtout la fin de son existence à la
vie suréminente en Dieu, dont il témoigne souvent dans Le
Chrétien intérieur. Ses écrits, qui connurent un immense
succès au début du xviie siècle, furent
condamnés après la mort de leur auteur, à la fin de ce siècle.
Ainsi, ce spirituel, au départ si connu, fut bien vite laissé dans
l'ombre. Les études qui lui furent consacrées n'ont guère été
nombreuses. Il était donc fort bienvenu d'organiser des rencontres
entre spécialistes pour éclairer de manière renouvelée ce grand
mystique laïc. Des contributions le situent dans son temps et dans
son entourage. D'autres analysent les relations qu'il entretint
avec ses amis : Marie de l'Incarnation, François de Laval,
Mectilde du Saint Sacrement, Jacques Bertot. D'autres encore,
enfin, l'étudient dans l'histoire sociale et spirituelle de son
époque, ou déterminent ses sources et son influence. Son portrait
spirituel est présenté à partir de ses lettres et de ses notes
spirituelles. Les sources bibliographiques sont recensées de
manière sans doute exhaustive. De cet ensemble se dégagent les
grandes lignes de sa spiritualité. Avant tout, il faut noter
l'imitation du Christ. « Votre coeur, écrit-il, doit être
constamment accordé à celui de Jésus-Christ. » Mais cette
conformité au Seigneur s'entend d'abord comme le fait de vivre dans
son abaissement. « Être parfait chrétien, (…) c'est tendre à
la destruction, à l'anéantissement et au renoncement de tout
soi-même. » Il faut suivre le Christ dans la voie de la
pauvreté et de l'abjection, et se disposer à une indifférence
amoureuse dans l'abandon à la Providence, dans le bonheur de
contenter Dieu et la joie d'accomplir sa volonté. Dans cette
spiritualité très marquée par l'augustinisme et le néantisme
dionysien se trouvent également des échos franciscains, salésiens
et bérulliens. On notera l'hypothèse de J.-M. Gourvil (p. 369)
selon lequel Bernières serait une figure du
premier xviie s., encore attaché aux éléments
constitutifs de la spiritualité du Moyen Âge et aux oeuvres du
début de la Réforme catholique, avant l'émergence, dans les années
1655, de la modernité. Il serait intéressant qu'un chercheur se
penche un jour sur les rapports éventuels entre Bernières et son
émule contemporain, Charles de Foucauld. - H. Jacobs s.j.