Se tourner vers le Seigneur. L'orientation de la prière liturgique, tr. P. Lane, préf. J. card. Ratzinger

Uwe Michael Lang
Liturgy and pastoral care - reviewer : Paul Lebeau s.j.
Ce livre, traduction de l'édition originale en langue anglaise parue à San Francisco en 2004, a pour auteur un jeune prêtre d'origine allemande, membre de l'oratoire Saint Philippe de Néri de Londres où, depuis son ordination en 2004, il exerce un ministère pastoral et enseigne la théologie au Heythrop College. Il étudie dans cet ouvrage (préfacé en 2003 par le cardinal J. Ratzinger) l'orientation de la prière liturgique des points de vue de l'histoire, de la théologie et de la pastorale. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit ici d'un auteur «engagé». Sa thèse est que l'adoption à travers l'ensemble de l'Église latine de la célébration «face au peuple» se heurte à de graves inconvénients qui vont jusqu'à mettre en cause l'authenticité de l'expérience eucharistique des communautés chrétiennes. Cette opinion - l'A. en convient dans son 1er chapitre - est difficilement conciliable avec certains textes publiés au lendemain de Vatican II.
Ainsi, l'Instruction générale sur le nouveau Missel Romain, publiée en 1969: «Il est préférable d'ériger le maître-autel à l'écart du mur, pour qu'on puisse en faire facilement le tour et y célébrer vers le peuple» (versus populum). L'A. estime cependant qu'une telle célébration n'est nullement suggérée, mais seulement «rendue possible». Il interprète de la même façon restrictive l'édition de 2002 qui, dit-il, «a maintenu ce texte sans le modifier», si ce n'est, ajoute-t-il, par l'adjonction de cette clause en forme d'incise: «ce qui est souhaitable partout où c'est possible» (p. 6). Mais il regrette que cela fut «perçu en bien des lieux comme un durcissement du texte de 1969 et interprété dans le sens d'une obligation générale de disposer désormais les autels face au peuple «partout où c'est possible». Interprétation «rejetée, précise-t-il, dès le 25 décembre 2000 par la Congrégation pour le Culte divin, qui précisait que le mot expedit n'implique aucune obligation, et n'est qu'une simple suggestion». Et l'A. d'en appeler à la théologie sous-jacente, selon lui, à ce qu'il interprète, assez abusivement, comme une mise en garde de la Congrégation: «Même s'il célèbre versus populum, le prêtre devrait toujours être orienté versus Deum per Jesum Christum (vers Dieu par Jésus Christ).
C'est en fonction de cette orientation que l'A. parcourt, en son second chapitre, «la direction de la prière, de la liturgie et du sanctuaire dans l'Église antique». Comme il fallait s'y attendre, il y découvre une vaste diversité, tout en reconnaissant que, «dans les plus anciennes basiliques ayant leur entrée à l'est, le prêtre et le peuple étaient face à face» (p. 79). Mais il ajoute, assez curieusement, qu'on peut néanmoins exclure «l'idée d'un contact visuel, du moins au moment du Canon, puisque tous priaient les bras levés, regardant vers le haut». Les chrétiens du monde ancien n'auraient pu, assure-t-il, «associer une participation réelle à la liturgie au fait d'observer les gestes du célébrant» (p. 80). Et de justifier cette interprétation en ces termes: «Le face à face permanent du prêtre et du peuple exprime un symbolisme qui lui est propre, et qui suggère un cercle fermé […]». «La célébration versus populum tend à amoindrir la dimension transcendante de l'Eucharistie», au point de «favoriser le germination de l'idée d'une société fermée» (p. 96).
On demeure stupéfait d'un tel langage qui semble ignorer le caractère fondamentalement eucharistique de la relation entre le prêtre célébrant et l'assemblée qui accueille son ministère. Qu'il nous suffise à cette égard de rappeler ici la manière dont ce document on ne peut plus ecclésial qu'est la Présentation générale du Missel Romain, promulguée Motu proprio par le pape Paul VI le 14 février 1969, no 48: «À la dernière Cène, le Christ institua le sacrifice et le banquet pascal par lequel le sacrifice de la Croix est sans cesse rendu présent dans l'Église lorsque le prêtre, représentant le Christ Seigneur, fait cela même que le Seigneur a fait, et qu'il a confié à ses disciples pour qu'ils le fassent en mémoire de lui». Face à ce mystère sacramentel, que penser de l'objection formulée par un des auteurs cités par l'A. (p. 100): «L'idée que les fidèles assemblés pour la messe sont en quelque sorte spectateurs de ce qui s'y passe est la rémanence regrettable d'une époque où ils n'avaient pas d'autre choix. Si cette idée persiste dans la nouvelle liturgie, cela signifie que la pleine intention de la réforme liturgique n'a pas été perçue». Il est vrai que l'A. se réfère également à certaines mises en garde de celui qui était encore, en 2003, le cardinal Ratzinger. Apparemment, et quoi qu'il en soit d'un certain passé, le pape Benoît XVI n'éprouve en tout cas aujourd'hui aucune réticence, sur la place Saint-Pierre et durant ses voyages apostoliques, à célébrer l'Eucharistie face à des millions de chrétiens. - P. Lebeau sj

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