Au XII siècle, aux côtés de la théologie «monastique», bien
identifiée, on peut distinguer également une théologie «canoniale».
Celle-ci désigne, selon les recherches du Père P. Sicard,
enseignant à la faculté Notre-Dame de l'École cathédrale de Paris,
une manière de faire de la théologie inspirée par l'esprit de
l'abbaye parisienne de Saint-Victor. L'A. a rassemblé dans ce
volume quatre études consacrées à des aspects de l'histoire de
cette théologie et, plus particulièrement, des oeuvres d'Hugues de
Saint-Victor: projet encyclopédique, pratiques pédagogiques et
sagesse chrétienne à Saint-Victor; l'urbanisme de la Cité de Dieu,
constructions et architectures dans la pensée théologique du XIIe
siècle; action, contemplation et sens scripturaires chez Hugues et
Richard; l'acte de traduction-transmission dans la tradition
théologique et spirituelle. À ces articles, l'A. en a ajouté un
cinquième où, dans le même esprit, il se penche sur la
sacramentalité de l'Église et dans l'Église d'après les recherches
doctrinales contemporaines. Dans la Préface, A. Guggenheim rappelle
que, pour la théologie victorine, la prière et l'action apostolique
composent le milieu porteur de l'étude. Celle-ci y est constamment
liée à la liturgie canoniale comme l'école l'est au cloître. Il y a
donc là un effort d'unification et d'unité que caractérise une
pratique théologique toujours finalisée par la sagesse. On se
souviendra qu'en 1108 Guillaume de Champeaux, écolâtre de
Notre-Dame, se retirait au pied de la montagne Sainte-Geneviève, en
un lieu qui devait devenir l'abbaye Saint-Victor de Paris et l'un
des principaux centres intellectuels du XIIe siècle. On y cultiva
un savoir qui se voulait universel. Hugues de Saint-Victor en
précisa la signification lorsqu'il écrivit dans le Didascalicon
(VI, 3): «Apprends tout, tu verras ensuite que rien n'est superflu.
Une science étriquée n'est pas heureuse». L'intention fondamentale
en était foncièrement religieuse. Si, en effet, on arrive à la
ressemblance de Dieu par les facultés de l'affectivité, c'est par
celles de la connaissance, affirmait-il, que se restaure en l'homme
son image. Évidemment, à Saint-Victor, une place centrale était
occupée par la lecture des Écritures et par leur herméneutique. La
tripartition des sens scripturaires ou leur quadripartition y
jouaient un rôle considérable. Au sens tropologique correspondait
la vie active, tandis que la vie contemplative s'y référait à
l'allégorie analogique. Tout un effort de réformation s'y
déployait, tantôt selon l'intelligence et tantôt selon la volonté.
Quant aux actes de ces facultés, ils avaient pour finalité de
restituer l'homme à sa condition originelle. L'A. analyse avec
nuance et finesse tout le jeu de relations qui constitue la trame
toujours subtile des considérations de Hugues. Avec celui-ci,
contemplation de l'intelligence et opération volontaire sont
conduites à cette liquéfaction unifiante où l'unité originelle doit
être retrouvée. - H. Jacobs sj