Un amour méconnu. Au-delà des représentations spontanées de Dieu

Emmanuel (Fr. de Taizé)
Spiritualiy - reviewer : Jean Burton s.j.
Voici un livre qu'il faudra lire au moins deux fois, pour effectuer le double parcours qui veut nous conduire «au-delà des représentations spontanées de Dieu» et, en conséquence, à la découverte de Celui dont la révélation judéo-chrétienne nous dit qu'Il est amour. Pour cela, on se rendra attentif aux péripéties de l'évolution de notre psychisme, entendu comme notre vie relationnelle sexuée (et des accidents ou blessures qui peuvent le marquer à diverses étapes), pour discerner, et si possible les corriger, les projections et transferts qui émanent de notre plus ou moins bonne capacité d'aimer. Notre langage sur Dieu, et au premier chef les «représentations spontanées» que nous nous en faisons, ne peuvent être qu'analogiques et il n'est pas simple de maintenir cette «pensée de Dieu» sous le regard vigilant de ce que nous apprend le savoir clinique des psychologues.
Les références utilisées ici sont généralement freudiennes (avec les travaux, entre autres, de A. Vergote [mais pas des plus récents] et [massivement] de M. Klein) mais aussi à l'occasion, jungiennes (avec l'apport des remarques du logothérapeute V. Frankl). Certes, cet éclairage issu des sciences humaines n'est pas négligeable. Il reste, et l'auteur en est conscient, qu'elles ne doivent pas s'ériger en cadre normatif de l'expérience religieuse et, à notre estime, doivent accepter les limites de leur jurisprudence en présence de la Révélation à la source de la foi chrétienne. On sera donc prudent dans l'examen des quatre constellations des représentations incriminées: la toute-puissance divine, le jugement divin, la transcendance divine, la tendresse divine. Comme l'écrit K. Rahner, à propos des termes théologiques: «[…] l'histoire de la formulation de l'expérience de la foi s'est déroulée de facto de telle sorte que ce terme est là, et que l'individu ne peut s'en débarrasser par arbitraire privé». Ces quatre «attributs» de Dieu vont évidemment rencontrer des questions théologiques délicates et leur arrière-fond scripturaire: un Dieu qui ne veut ni ne permet le mal, un Dieu qui connaît les blessures de chacun, un Dieu qui désire être aimé, par delà la figure du père.
Dans les 50 pages de «Notes-commentaires» qui accompagnent le versant psychologique du travail proposé, l'auteur accueille en notes appuyant son propos de façon oecuménique les travaux issus de diverses sensibilités théologiques: la tradition orientale à propos de la théologie trinitaire, les études de la théologie féministe sur l'équilibre masculin - féminin dans l'appréhension du mystère divin, certaines propositions d'études de mystique comparée, et de bien d'autres horizons encore.
Bref, sont abordées des questions énormes qui demanderaient chacune, à notre estime, un traitement plus développé. De toute évidence, l'intention de l'auteur est éminemment pastorale, alertée qu'elle est par les rencontres des jeunes qui viennent à Taizé entendre et chanter «Dieu ne peut que donner son amour, notre Dieu est tendresse». Les nombreuses références bibliques sont là pour ouvrir des chemins de prière et préparer les coeurs à se laisser bouleverser par la découverte de l'Amour qui se révèle d'au-delà et au-delà de nos pensées et sauve encore celles-là même qui le défigurent. Santé psychique et maturité accomplie de nos relations, pour autant que cela existe, ne sont pas, loin s'en faut, synonyme de sainteté. - J. Burton sj

newsletter


the journal


NRT is a quarterly journal published by a group of Theology professors, under the supervision of the Society of Jesus in Brussels.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgium
Tél. +32 (0)2 739 34 80