Les livres consacrés à la liturgie (mises à part les introductions) sont devenus plus rares. Après la période de réforme issue de Vatican II, un tassement s'est produit. On se réjouira d'autant plus de l'ouvrage de J-Y. Hameline. Rassemblant des articles dispersés principalement dans la revue La Maison-Dieu, il aborde la chose liturgique sous un angle assez spécialisé, par le biais des éclairages que peuvent apporter les sciences humaines. Le chapitre 11, qui termine le livre, en offre comme le résumé et surtout la genèse. Il permet en tout cas de suivre la démarche exploratoire de l'auteur, ses champs de recherche et d'enseignement.
L'A. est principalement intéressé par l'anthropologie des rites, la ritologie, et il montre bien comment des analyses issues des travaux de Durkheim, des structuralistes, de Turner, Van Gennep, Winnicott, Bateson ne peuvent plus être méconnues et viennent enrichir l'approche du culte chrétien. Pour aller au vif, comment, par exemple, comprendre la présence réelle dans l'eucharistie sans réfléchir à une poétique du corps célébrant et à toute la disposition cultuelle? On serait presque tenté d'écrire: une poétique du visage ouvrant à la relation éthique. On notera la sensibilité aux éléments d'espace intermédiaire et d'intervalles qui assurent à la pratique liturgique son jeu, dans tous les sens du mot. Dans le cadre ainsi ouvert, on peut se demander toutefois si le recours à l'anthropologie biblique ne serait pas féconde (nous pensons au schème anthropologique coeur-bouche-main)? Par ailleurs, l'approche jungienne de la sacralité n'aurait-elle rien à apporter? On s'étonne aussi de ne pas voir mentionnée l'oeuvre de J.-Th. Maertens, Ritologiques.
Quant à l'approche socio-historique des formes et réformes de la liturgie, qui constitue le deuxième axe de recherche, l'A. ne fait ici que l'indiquer par quelques brèves réflexions sur le mouvement liturgique. Le troisième moment, qui concerne la musique, est plus élaboré et on saura gré à J-Y.H. de rappeler avec force que l'acte de chant et de musique en liturgie n'est pas seulement une formule d'expression ad libitum, mais prend toute sa place dans une véritable poétique cérémonielle.
Fort de sa large culture en sciences humaines, l'A. en réalise une appropriation stimulante dans le domaine de la liturgie. Peut-être ne faudrait-il pas trop appuyer sur la distinction entre lex credendi et lex orandi dans la mesure où les contenus mêmes commandent la forme célébrante? Ce que J-Y.H. met d'ailleurs bien en relief à propos de la fides ex auditu. Il faudrait sans doute poursuivre en ce sens. Il resterait aussi sans doute à prendre toute la mesure des incidences de l'ethos culturel de notre temps sur la célébration des liturgies chrétiennes (un certain usage du micro vient de quelque part…). - H. Thomas, O.S.B.

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