Une théologie en déconstructions. Littérature - Mystique - Philosophie

Fr. Nault
Theology - reviewer : Hubert Thomas
Déconstruction. Le philosophe Derrida avait fait de ce mot son programme sans pour autant un système (rien de moins systématique que chez Derrida).
Peut-on encore faire de la théologie après Derrida, se demande le théologien canadien Fr. Nault? Il a déjà consacré un ouvrage précédent à cette question. Il la reprend ici en l'élargissant. Si d'être délogée de son lieu: le theos, la théologie était invitée à aller se faire voir ailleurs…? Se faire voir dans des textes qui ne sont franchement pas les siens. Qu'est-ce à dire, sinon d'entrer dans la théologie par d'autres portes? En littérature, l'A. choisit d'aller voir chez Beckett un discours qui héberge un Autre à son insu, attestant l'increvable du désir dont l'objet toujours manqué ne laisse que des traces. Chez Perec, il y aurait comme la mise en oeuvre d'un bricolage, un bris-collage qui renvoie au procédé de la théologie négative.
La mystique est un deuxième champ de déconstruction qui met la théologie en question. L'ouvrage de saint Bernard «De la considération» ou la lettre CLIII de Marie de l'Incarnation sont examinés pour mettre en relief une écriture qui laisse ouverte l'énigme de Dieu se retirant comme la marée pour laisser l'Autre à découvert mais en même temps au-delà de tout nom.
En philosophie, Fr.N. convoque Nietzsche et montre sans peine les liens qu'on peut établir entre celui-ci et la théologie négative. Plus étonnant est de rencontrer Rortry qui se définit comme «ironiste libéral» mais dont les réflexions sont de nature à remettre du jeu (dans tous les sens du mot) dans la ratio theologica.La lettre d'amour pourrait-elle devenir un genre théologique? À la suite de Derrida, l'A., en suivant ses sinuosités et ses paradoxes, en fait deviner les accointances avec un certain discours adressé à Dieu (ainsi la prière).
Cet ouvrage ne manque pas de pénétration mais le lecteur peut se demander si la déconstruction ne risque pas de prendre la pose. Le «ce n'est jamais ça» (légitime) pourrait encore relever de la maîtrise du discours, d'une façon de «tenir» le sens… Coquetterie encore, qui n'a rien à voir avec la kénose. On peut se demander d'ailleurs si une théologie de la kénose ne serait pas l'entrée en déconstruction. - H. Thomas, O.S.B.

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